8. LE SALUT
ÉTERNEL
C'est le dernier chapitre de la doctrine chrétienne. Et aussi le plus beau. Il parle aux chrétiens de leur destinée finale, de leur patrie et de leur demeure céleste.
Qu'est-ce que le salut?
C'est tout simplement la vie éternelle. Le mot "vie" désigne souvent dans la Bible, et c'est compréhensible, la vie naturelle et physique que les hommes reçoivent en venant au monde (plus exactement au moment de leur conception) et qu'ils perdent en mourant. Cf. par exemple Luc 16:25; Romains 8:38.39; 1 Corinthiens 3:22.
Mais le mot désigne aussi la vie surnaturelle et éternelle que l'homme ne possède pas au moment où il vient au monde, mais qui lui est accordée dans la régénération opérée par la Parole de Dieu ou le Baptême, au moment où il est uni au Christ. C'est le cas dans les textes suivants: "Le salaire du péché, c'est la mort, mais le don gratuit de Dieu est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur" (Romains 6:23). "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle" (Jean 3:16). "Quiconque aura quitté à cause de mon nom ses frères, ou ses soeurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses enfants, ou ses terres, ou ses maisons, recevra le centuple et héritera la vie éternelle" (Matthieu 19:29). On notera que dans ce texte, la vie éternelle est présentée comme quelque chose dont on hérite, que l'homme ne possède pas par nature, mais qui lui est accordé quand il devient enfant de Dieu. Il en va de même dans le passage suivant où le Christ parle du don de la vie éternelle qu'il fait à ses brebis: "Je leur donne la vie éternelle et elles ne périront jamais" (Jean 10:28). Cf. encore Matthieu 25:46; Jean 3:36; 5:29; 6:40; 11:25.26, et tous les autres textes où il est question de la vie éternelle.
Dans l'ancienne alliance on croyait déjà en la vie éternelle. Jésus dit d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, morts depuis longtemps, que le Seigneur est leur Dieu. Or, "Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants", et d'en conclure que "pour lui tous sont vivants" (Luc 20:37). Jacob s'écria sur son lit de mort: "J'espère en ton salut, ô Eternel" (Genèse 49:18), et Esaïe fit à Israël cette extraordinaire promesse: "L'Eternel prépare à tous les peuples un festin de mets succulents, un festin de vins vieux, de mets succulents, pleins de moelle, de vins vieux et clarifiés. Et sur cette montagne il anéantit le voile qui voile tous les peuples, la couverture qui couvre toutes les nations. Il anéantit la mort pour toujours. Le Seigneur, l'Eternel, essuie les larmes de tous les visages, il fait disparaître de toute la terre l'opprobre de son peuple, car l'Eternel a parlé" (Esaïe 25:6). Et puis il y a cet autre oracle d'Osée: "Je les rachèterai de la puissance du séjour des morts, je les délivrerai de la mort. O mort, où est ta peste, séjour des morts, où est ta destruction?" (Osée 13:14). Cf. encore Daniel 2:44; 7:27; 12:2.
Cette grandiose espérance est reprise dans le Nouveau Testament et y fait l'objet d'une révélation encore bien plus précise et complète. Nous avons vu que le salut y est présenté comme le don de la vie éternelle. Il est aussi le don du Royaume où les croyants festoieront en compagnie des patriarches: "Plusieurs viendront de l'orient et de l'occident et seront assis à table avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux" (Matthieu 8:11). C'est par beaucoup de tribulations que les chrétiens y entreront (Actes 14:22; 2 Timothée 4:18). Ce royaume est un don de Dieu, ce qui fait dire à l'apôtre Pierre: "L'entrée du royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ vous sera pleinement accordée" (2 Pierre 1:11).
Les croyants ont le salut dès maintenant, puisque par la foi en Jésus-Christ ils sont passés de la mort à la vie (Jean 5:24). Mais il arrive aussi que la Bible parle du salut comme d'une réalité à venir: "Le salut est plus près de nous que lorsque nous avons cru" (c'est-à-dire lorsque nous nous sommes convertis, Romains 3:11). Les anges sont des serviteurs de Dieu "envoyés pour exercer un ministère en faveur de ceux qui doivent hériter le salut" (Hébreux 1:14). Les chrétiens sont "gardés par la foi pour le salut prêt à être révélé dans les derniers temps" (1 Pierre 1:5). Notre délivrance "approche" (Luc 21:28). Bien que nous ayons été rachetés depuis longtemps, depuis le jour où Jésus est mort pour nous sur la croix, nous attendons la rédemption (Romains 8:23; Ephésiens 1:14; 4:30).
Le salut est présenté comme un bien dont on hérite, un héritage qui est réservé aux croyants dans le ciel. Dieu nous le donnera un jour (Actes 20:32), nous le recevrons du Seigneur (Colossiens 3:24; Hébreux 9:15), nous en prendrons possession au jour du jugement (Matthieu 25:34). Cf. encore Galates 3:18; Ephésiens 1:14.18; 5:5.
Enfin, le salut est synonyme de gloire éternelle: "Père, je veux que là où je suis, ceux que tu m'as donnés soient aussi avec moi, afin qu'ils voient ma gloire, la gloire que tu m'as donnée, parce que tu m'as aimé avant la fondation du monde" (Jean, 17:24). "Quand le Christ, votre vie, paraîtra, alors vous paraîtrez aussi avec lui dans la gloire" (Colossiens 3:4). Les croyants sont "appelés en Jésus-Christ pour la gloire éternelle" (1 Pierre 5:10); en lui ils obtiendront un jour la "couronne incorruptible de gloire" (1 Pierre 5:4).
Tout cela leur sera offert dans le ciel où se trouve leur "cité" (Philippiens 3:20), la patrie qu'avaient déjà cherchée les patriarches et tous les croyants de l'ancienne alliance (Hébreux 11:14.16), ou leur héritage (1 Pierre 1:4). Cf. encore Matthieu 5:12; 2 Corinthiens 5:1; Colossiens 1:15. C'est là qu'est leur paradis (Luc 23:43; 2 Corinthiens 12:4; Apocalypse 2:7), la maison de leur Dieu dans laquelle il y a beaucoup de demeures et où le Christ est allé leur préparer une place (Jean 14:2). C'est une "demeure éternelle qui n'a pas été faite de main d'homme" (2 Corinthiens 5:1), le tabernacle éternel dont l'ancien tabernacle avait été la préfiguration (Luc 16:9; Apocalypse 21:3). C'est encore la nouvelle Jérusalem, la "Jérusalem céleste où seront assemblés des myriades d'anges et de rachetés (Hébreux 12:22-24; Apocalypse 21:2.10), la "cité céleste" que Dieu a préparée aux siens (Hébreux 11:16; 13:14), le repos éternel dans lequel nous devons nous efforcer d'entrer (Hébreux 4:9), où on se repose à jamais de ses travaux (Apocalypse 14:13).
En quoi consiste-t-il?
Le salut éternel échappe à toute description adéquate. C'est quelque chose de tellement beau qu'aucune langue humaine ne peut le décrire de façon satisfaisante. Toutes les descriptions qui en sont faites dans la Bible ne sont que de faibles approximations, exprimées généralement, faute de mieux, de façon négative.
C'est par exemple l'absence de péché. Y ont part ceux qui ont "lavé leurs robes" (Apocalypse 22:14.15) et les ont "blanchies dans le sang de l'Agneau" (Apocalypse 7:14.15). C'est encore l'absence de mort et de damnation, puisqu'on y a la vie éternelle (Osée 13:14; Romains 5:18.21). Pour les élus du Seigneur, la mort, le dernier ennemi, "sera détruite" (1 Corinthiens 15:56), "engloutie dans la victoire" (1 Corinthiens 15:54). C'est aussi l'absence de souffrance. Il n'y aura plus de larmes dans le ciel, car Dieu lui-même les séchera (Esaïe 25:8; Apocalypse 7:16; 21:4). Aussi les souffrances du temps présent ne sauraient "être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous" (Romains 8:18). Satan, l'ennemi juré des enfants de Dieu, sera "jeté dans l'étang de feu et de soufre" (Apocalypse 20:10).
Positivement, le salut consistera en la vision béatifique de Dieu, dans le bonheur parfait devant sa face. Les croyants le verront enfin de leurs propres yeux (Job 19:26; Matthieu 5:8), "tel qu'il est" (1 Jean 3:2), "face à face" (1 Corinthiens 13:12; Apocalypse 22:3). Ils le verront et se rassasieront de son image (Psaume 17:15). "L'agneau qui est au milieu du trône les paîtra et les conduira aux sources des eaux de la vie" (Apocalypse 7:17), les réjouira "d'une joie ineffable et glorieuse" (1 Pierre 1:8). "Ceux qui sèment avec larmes moissonneront avec chants d'allégresse. Celui qui marche en pleurant, quand il porte la semence, revient avec allégresse, quand il porte ses gerbes" (Psaume 126:5.6). Leurs joies seront abondantes, leurs délices éternelles (Psaume 16:11; Esaïe 65:19). Ils seront consolés et nul ne leur ravira leur joie (Esaïe 66:14; 1 Pierre 4:13; Apocalypse !9:7). Le serviteur fidèle entrera "dans la joie de son maître" (Matthieu 25:21.23). Les élus entonneront le "cantique nouveau" (Apocalypse 5:9; 14:3), glorifiant et adorant Dieu et son Agneau (Apocalypse 4:10; 7:10; 19:7). Alors ils le connaîtront comme ils ont été connus de lui, de manière parfaite (1 Corinthiens 13:9.12), et comprendront beaucoup de choses qui leur échappent maintenant.
La Bible enseigne aussi que le salut est le même pour tous les croyants, mais qu'il y aura divers degrés de gloire selon le travail qu'ils auront accompli, les souffrances qu'ils auront endurées et la fidélité dont ils auront fait preuve. Un tel recevra une "récompense de prophète", tel autre une "récompense de juste" (Matthieu 10:41.42), "selon son propre travail" (1 Corinthiens 3:8). Tous ne brilleront pas de la même façon: "Autre est l'éclat du soleil, autre l'éclat de la lune, et autre l'éclat des étoiles. Même une étoile diffère en éclat d'une autre étoile. Ainsi en est-il de la résurrection des morts" (1 Corinthiens 15:41.42; Daniel 12:3).
La doctrine de la vie éternelle proclame l'immense miséricorde de Dieu qui réserve aux siens un bonheur parfait dont ils n'osent même pas rêver. Et un bonheur gratuit qu'ils n'ont pas à mériter, car le Fils de Dieu le leur a acquis par son sacrifice. Quand les croyants seront là-haut, ils comprendront à quel danger et quelle misère le Seigneur les a arrachés et chanteront ses louanges bien mieux qu'ils ne peuvent le faire maintenant.
En nous décrivant les beautés du ciel, Dieu veut nous inciter à tout faire pour y accéder. La Bible nous rappelle aussi que cela doit être fait maintenant, tant que nous sommes en vie et que dure pour nous le temps de la grâce, car après il sera trop tard. C'est pourquoi les prédicateurs de l’Évangile sont appelés à être fidèles à leur mission et à proclamer partout la bonne nouvelle du salut, car Dieu veut sauver le maximum d'hommes (Ézéchiel 3:17-19; 1 Timothée 4:15.16; 2 Timothée 4:1.2). Tous les chrétiens d'ailleurs sont invités à être de vrais témoins du Christ, à exhorter, mettre en garde et consoler (Matthieu 18:15-17; Jacques 5:19.20; Jude 22.23).
Enfin, la promesse de la vie éternelle rend urgente la persévérance des croyants. C'est au ciel que se trouve leur vrai trésor, c'est là aussi que doit se trouver leur coeur (Matthieu 6:19-21).
(Wilbert Kreiss, Docteur en Théologie luthérienne, La Petite Dogmatique, édition collection Kreiss. 2013).