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lundi 22 octobre 2018

Méditation de la semaine: LA RÉVÉLATION et LA SOURCE ET NORME DE LA DOCTRINE CHRÉTIENNE.

1. LA RÉVÉLATION
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L'homme ne peut connaître Dieu que s'il se révèle à lui et il ne sait de lui que ce qu'il veut bien lui dire. Faute de connaître cette révélation, il se fait des dieux à son image. L’Évangile nous enseigne "des choses que l’œil n'a point vues, que l'oreille n'a point entendues et qui ne sont point montées au coeur de l'homme, des choses que Dieu a préparées pour ceux qui l'aiment. Dieu nous les a révélées par l'Esprit" (1 Corinthiens 2:9.10).

La notion de révélation:


Pour se révéler, Dieu agit et parle. La création et le gouvernement de ce monde nous disent qu'il est là, tout-puissant, juste, sage et bon, qu'il agit et tient toutes choses dans ses mains et que rien ne se fait ici-bas sans sa volonté. Quant à sa Parole, elle nous enseigne qu'il s'est abaissé jusqu'à l'homme, s'incarnant en la personne de son Fils et révélant au monde son plan de salut. Tandis que les religions de ce monde, toutes inventées par l'homme, sont autant de sentiers sur lesquels ceux-ci s'efforcent de chercher Dieu, le christianisme est le chemin sur lequel Dieu lui-même est venu les trouver. Il est non pas tâtonnement humain (Actes 17:27), mais religion divinement révélée.
Révéler signifie étymologiquement "soulever le voile", découvrir quelque chose, c'est-à-dire ôter la couverture qui le cache. C'est le sens précis du mot grec dont provient l'expression "apocalypse". Dieu se révèle quand il retire le voile qui couvre un mystère. C'est ainsi que Jésus dit: "Je te loue, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents et de ce que tu les as révélées aux enfants... Personne ne connaît le Fils, si ce n'est le Père. Personne non plus ne connaît le Père, si ce n'est le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler" (Matthieu 11:25.27). L'apôtre Paul écrit de même: "C'est par révélation que j'ai eu connaissance du mystère sur lequel je viens d'écrire en peu de mots... Il n'a pas été manifesté aux fils des hommes dans les autres générations, comme il a été révélé maintenant par l'Esprit aux saints apôtres et prophètes du Christ" (Ephésiens 3:3.5).

Il existe encore un autre terme que le Nouveau Testament aime bien employer pour parler de révélation. C'est un verbe qui signifie littéralement mettre en lumière, mettre en évidence, manifester. On le rencontre par exemple dans le texte suivant: "A celui qui peut vous affermir selon mon Évangile et la prédication de Jésus-Christ, conformément à la révélation du mystère caché pendant des siècles, mais manifesté maintenant par les écrits des prophètes, à Dieu, seul sage, soit la gloire aux siècles des siècles, par Jésus-Christ" (Romains 16:25-27).

Petit aperçu historique:

L'apôtre Paul écrit aux Ephésiens: "Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre angulaire" (Ephésiens 2:20). Quant à Luther, il définit l'Eglise chrétienne comme l'ensemble des "saints croyants, les brebis qui entendent la voix de leur Berger" (Articles de Smalcalde, III, Article XII). C'est donc sur l'Ecriture Sainte que Dieu bâtit son Eglise. C'est en elle que retentit de nos jours la voix du bon Berger qui appelle, guide, paît et sauve ses brebis.

Au début, il en était autrement. Pendant des siècles, Dieu s'était révélé oralement, parlant à Adam et Eve, puis aux patriarches, et utilisant pour cela le dialogue direct, les songes, les visions et les théophanies. Les pères de famille étaient les "prophètes" de l'époque, titre que la Bible donne explicitement à Abraham (Genèse 20:7). Puis, quand il se constitua un peuple, Dieu lui donna un prophète en la personne de Moïse qui consigna par écrit tout ce qu'il lui révélait. Moïse est l'auteur du Pentateuque. Ensuite, ce fut le défilé de tous les autres prophètes d'Israël. Certains, intrépides messagers de Dieu, tels que Samuel, Nathan, Elie et Elisée, n'ont pas consigné leur message par écrit. On les appelle parfois les prophètes antérieurs. Les prophètes dits postérieurs ont rédigé leurs oracles (ou du moins certains d'entre eux) par écrit. Ils l'ont fait à la demande de Dieu (Esaïe 30:8; Jérémie 36:2). Tous ces hommes ont été la "bouche" de Dieu qui parlait par eux (Esaïe 1:10; 8:1; Jérémie 2:1; 3:6; Amos 2:1; 3:1; 5:16).

Viennent ensuite les sages et les poètes inspirés, auteurs de livres de l'Ancien Testament qu'on appelle parfois, par opposition au Pentateuque et aux livres prophétiques, les "écrits" ou "hagiographes" (saints écrits).
Mais la voix des hommes de Dieu s'était tue depuis la mort de Malachie, dernier prophète. Pendant plus de quatre siècles il n'y eut plus de révélation divine. Longue période d'attente où fleurirent les livres dits apocryphes ou pseudépigraphes. C'étaient des "faux", généralement à caractère apocalyptique, qui circulaient sous le nom de tel ou tel prophète ou patriarche, mais que le peuple d'Israël ne reçut pas comme des livres inspirés.
Puis Dieu, "après avoir autrefois, à plusieurs reprises et de plusieurs manières, parlé à nos pères par les prophètes, dans ces derniers temps nous a parlé par le Fils" (Hébreux 1:1.2). Quand les temps furent accomplis, il envoya son Fils dans le monde, lui donna l'Esprit sans mesure (Jean 3:34) et parla par lui, révélant au monde l’Évangile du salut. Jésus annonça avec autorité divine ce qu'il savait de son Père. Il n'avait pas besoin pour cela d'une inspiration divine, étant dans le sein de son Père (Jean 3:31-34; 5:17-24.33-47; 8:12-29).
Il s'entoura de disciples, témoins directs de tout ce qu'il faisait et prêchait. Et quand, ayant accompli sa mission, fut venu pour lui le moment de remonter au ciel, il les envoya dans le monde, après leur avoir promis que le Saint-Esprit viendrait sur eux pour leur rappeler tout ce qu'il leur avait enseigné (Matthieu 10:16-23; Jean 14:15-26; 16:1-15). Ainsi, c'est sur la parole des prophètes d'Israël, annonciateurs des choses à venir, et celle des apôtres, témoins mandatés par lui, que le Christ bâtit son Eglise. C'est par elle qu'il se révèle au monde jusqu'à son retour et la fin de toutes choses.




2. LA SOURCE ET NORME DE LA DOCTRINE CHRÉTIENNE

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L'Eglise luthérienne enseigne que l'Ecriture Sainte ou la Bible est l'unique source et norme de la doctrine chrétienne. Les mots "source" et "norme" se complètent. En disant que la Bible est source de la doctrine chrétienne, nous voulons confesser que tout l'enseignement de l'Eglise doit être puisé en elle. C'est elle qui nous dit ce que nous devons croire, enseigner et confesser.
L'Ancien Testament ne connaît pas les mots "Bible" ou "Ecriture Sainte". Il parle de la loi de Dieu, du livre de la loi ou du témoignage, affirme que Dieu instruit par sa loi (Psaume 94:12), demande qu'on pratique "tout ce qui est écrit dans le livre de la loi de Moïse", sans s'en détourner à droite ou à gauche (Josué 23:6), interdit de rejeter "la parole de l'Eternel" (1 Samuel 15:23), exige qu'on retourne "à la loi et au témoignage" (Esaïe 8:20), interdit d'ajouter quelque chose aux commandements de l'Eternel ou d'en retrancher quoi que ce soit (Deutéronome 4:2). Il est bien évident que la loi, le témoignage ou la Parole de Dieu dont il est question dans ces textes sont une loi, une Parole de Dieu et un témoignage écrits, sinon comment pourrait-on les connaître, se laisser instruire par eux et s'y conformer?

Dans le Nouveau Testament, l'apôtre Paul rappelle à Timothée que depuis son enfance il connaît "les saintes lettres" qui peuvent le rendre "sage à salut par la foi en Jésus-Christ", précisant que toute l'Ecriture est inspirée de Dieu et pour cela "utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice" (2 Timothée 3:15-17). L'apôtre Pierre déclare: "Nous tenons pour d'autant plus certaine la parole prophétique, à laquelle vous faites bien de prêter attention" (2 Pierre 1:19). "Tout ce qui a été écrit d'avance, dit Paul, l'a été pour notre instruction" (Romains 15:4). Quant à ceux qui veulent savoir ce qu'ils doivent faire pour être sauvés, "ils ont Moïse et les prophètes. Qu'ils les écoutent" (Luc 16:29). Rappelons aussi le texte déjà cité qui affirme que l'Eglise est édifiée "sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre angulaire" (Ephésiens 2:20). C'est clair: les écrits des prophètes et des apôtres constituent la source de son enseignement et de sa foi. A noter que le dernier livre de la Bible, l'Apocalypse, reprend l'interdiction formulée par le premier prophète d'Israël, Moïse, et rappelle à l'Eglise qu'elle doit s'en tenir à ce qui est écrit, que nul n'a le droit d'y ajouter ou d'en retrancher quoi que ce soit (Apocalypse 22:18).

Si la Bible est la source de l'enseignement de l'Eglise, elle en est aussi la norme. Cela signifie que toute doctrine doit être mesurée à elle. Elle décide de ce qui est vrai ou faux. L'attitude de Jésus est tout à fait caractéristique et exemplaire. Chaque fois que ses interlocuteurs lui posent une question de doctrine ou de morale, très souvent pour lui tendre un piège, il les renvoie à la Bible d'Israël, c'est-à-dire à l'Ancien Testament, aux écrits de Moïse et des prophètes. Il justifie par exemple l'interdiction du divorce en disant aux pharisiens: "N'avez-vous pas lu que le Créateur, au commencement, fit l'homme et la femme et qu'il dit: C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair?" (Matthieu 19:4). Les chrétiens de Bérée "examinaient chaque jour les Ecritures, pour savoir si ce qu'on leur disait était exact" (Actes 17:11). Saint Paul déclare qu'il prêche l'Evangile "sans s'écarter en rien de ce que les prophètes et Moïse ont déclaré devoir arriver" (Actes 26:22). Il fait de l'Evangile qu'il annonce le critère, la norme de tout enseignement: "Si nous-mêmes, si un ange du ciel annonçait un autre Evangile que celui que nous vous avons annoncé, qu'il soit anathème!" (Galates 1:8).

Faisant écho à ces textes, la Confession d'Augsbourg rappelle qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait dans l'Eglise des cérémonies uniformes, car elles sont "instituées par les hommes", mais qu'il faut par contre "un accord unanime dans la prédication de l'Evangile et l'administration des sacrements conformément à la Parole de Dieu" (Article VII). Cf. aussi ci-dessus la citation de la Formule de Concorde.

C'est une doctrine très importante, car d'elle va dépendre tout le reste. Il est capital pour l'Eglise de savoir ce qu'elle doit croire, enseigner et confesser, et à quoi elle doit se référer quand il y a controverse. On appelle cela le "principe formel" de la Réforme. Si l'Ecriture Sainte n'est pas seule source et norme de foi et d'enseignement, la porte est ouverte à toutes les doctrines et opinions possibles et imaginables.

L'Eglise luthérienne rejette donc deux thèses de l'Eglise catholique. Tout d'abord la thèse selon laquelle la tradition est, ensemble avec la Bible, source et norme de doctrine, qu'il faut pour cela la recevoir et la vénérer "avec un égal sentiment de piété et une égale révérence" (Concile de Trente), qu'elle porte elle aussi "la Parole de Dieu confiée par le Christ Seigneur et par l'Esprit Saint aux apôtres, et la transmet intégralement à leurs successeurs" (Concile de Vatican II).

Nous rejetons également la thèse du magistère selon laquelle l'Eglise catholique est, en la personne de son clergé, le seul interprète légitime de la Bible, thèse qui précise que les évêques en tant que successeurs des apôtres sont infaillibles quand ils se réunissent en conciles, et que le pape l'est en tant que vicaire du Christ et successeur de Pierre, prince des apôtres, quand, agissant en chef de l'Eglise, il promulgue une doctrine. C'est une thèse contre laquelle Luther s'est farouchement dressé et qu'à sa suite, le protestantisme rejette comme fausse.


Face aux différents mouvements charismatiques qui soutiennent que Dieu continue de donner des révélations à son peuple, l'Eglise luthérienne, sans pour autant nier que Dieu puisse donner à l'un ou l'autre de ses enfants une révélation particulière, affirme qu'il n'existe pas de nouvelle révélation qu'il donnerait à son peuple et qui serait normative pour sa foi. Tout ce que le Seigneur a voulu faire savoir à son peuple pour le guider dans la vérité et la piété, il le lui a dit une fois pour toutes par les prophètes et les apôtres, témoins de son Fils.


(Wilbert Kreiss, Docteur en Théologie luthérienne, La Petite Dogmatique, édition collection Kreiss. 2013).