LA DOCTRINE DU SALUT (Partie n°4).
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5. LA SANCTIFICATION
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L'enseignement de la Bible:
La sanctification fait suite à la justification. Elle est l'acte permanent par lequel le pécheur pardonné et justifié renonce chaque jour, par amour, gratitude et obéissance envers Dieu, au péché, crucifie le vieil homme, se renouvelle selon l'image de Dieu et vit à sa gloire dans la sainteté et la justice. Elle est une oeuvre que Dieu dans sa grâce accomplit par la Parole et les sacrements. Cette définition montre toute la différence existant entre la justification et la sanctification.
Dieu dit à son peuple: "Soyez saints, car je suis saint, moi l'Eternel, votre Dieu" (Lévitique 19:2; 1 Pierre 1:16). Les chrétiens sont saints en ce sens que Dieu les a mis à part pour le servir. Pardonnés et justifiés par la foi, ils lui appartiennent et sont donc appelés à vivre saintement pour le glorifier. La Bible dit les deux: "Vous êtes saints" (Psaume 16:3; 34:10; 89:6; Romains 8:27; 12:13; Ephésiens 1:18; 2:19; 1 Pierre 2:9) et: "Soyez saints" (Ephésiens 1:4; 5:27; 1 Pierre 1:15.16; 2 Pierre 3:11).
Le verbe "sanctifier" et le substantif "sanctification" sont employés dans la Bible de deux façons. Tantôt ils désignent, dans un sens large, tout ce que Dieu fait pour sauver les hommes (il les appelle la foi, les fait grandir et persévérer en elle, leur donne la volonté et la force de marcher dans la sainteté et leur accorde la victoire finale). Tantôt ils sont employés dans un sens plus restreint et désignent la vie chrétienne. Quand la Bible dit des chrétiens qu'ils sont "sanctifiés", sans ajouter d'autres précisions (Hébreux 2:11; 10:11.14.29), elle veut sans doute dire que Dieu les a mis à part pour qu'ils lui appartiennent et le servent. Quand par contre elle nous demande de nous sanctifier pour que nous soyons purs et irréprochables, de rechercher la sainteté, en renonçant à tout ce qui est mauvais (Romains 6:19.22; 1 Thessaloniciens 4:3-7; 5:23), elle parle de la sanctification au sens strict du terme, c'est-à-dire de la vie chrétienne de ceux qui ont été pardonnés et justifiés par la foi.
C'est dans ce dernier sens qu'il sera question de sanctification dans ce chapitre. Voici quelques textes qui montrent en quoi elle consiste: "Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même tout entiers, et que tout votre être, l'esprit, l'âme et le corps, soit conservé irrépréhensible lors de l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ" (1 Thessaloniciens 5:23). "Ce que Dieu veut, c'est votre sanctification... Que chacun de vous sache posséder son corps dans la sainteté et dans l'honnêteté... Dieu ne nous a pas appelés à l'impureté, mais à la sanctification" (1 Thessaloniciens 4:3-7).
La Bible présente la sanctification sous un double aspect: elle consiste pour le chrétien à se "dépouiller du vieil homme" et à "revêtir l'homme nouveau". Deux textes de l'apôtre Paul la décrivent dans le détail: "C'est en lui (Jésus) que vous avez été instruits à vous dépouiller, par rapport à votre vie passée, du vieil homme qui se corrompt par les convoitises trompeuses, à être renouvelés dans l'esprit de votre intelligence et à revêtir l'homme nouveau créé selon Dieu dans une justice et une sainteté que produit la vérité" (Ephésiens 4:21-24). "Ne mentez pas les uns aux autres, vous étant dépouillés du vieil homme et de ses oeuvres et ayant revêtu l'homme nouveau qui se renouvelle, dans la connaissance, selon l'image de celui qui l'a créé... Ainsi donc, comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés, revêtez-vous de sentiments de compassion, de bonté, d'humilité, de douceur, de patience" (Colossiens 3:9.10.12).
Se dépouiller du vieil homme, c'est crucifier la chair, c'est-à-dire renoncer à notre ancienne nature, à tout ce qui marque la vie de l'homme avant que le Saint-Esprit l'ait régénéré. C'est dire non au péché et au mal qui déplaisent à Dieu, se détourner de toute forme d'injustice, parce qu'il l'a en horreur. Positivement, c'est rechercher le bien, s'appliquer à la justice et la sainteté, vivre dans l'amour, la bonté, la patience. En un mot, c'est, pour le chrétien, faire tout ce qui est en son pouvoir pour plaire à son Seigneur. Ainsi il renaît petit-à-petit à l'image de Dieu à laquelle il avait été créé à l'origine.
La sanctification est donc quelque chose de progressif et de continu dans la vie du chrétien, un combat qu'il est appelé à mener chaque jour et qui ne s'achève que lorsqu'il meurt dans la foi. L'apôtre Paul reconnaît en lui deux lois ou deux hommes qui se font la guerre, si bien qu'il ne fait pas le bien qu'il aimerait faire et fait le mal qu'il ne voudrait pas faire (Romains 7:15-25). Faisant écho à cet enseignement de l'Ecriture Sainte, Martin Luther écrit dans le Petit Catéchisme que "le vieil homme qui est en nous doit être noyé dans une contrition et une repentance de tous les jours, qu'il doit mourir avec tous ses péchés et ses convoitises, et que tous les jours aussi doit renaître en nous un homme nouveau qui vive à jamais dans la justice et la pureté devant Dieu".
D'où vient la sanctification? La Bible dit: "Soyez saints" (Lévitique 19:2). "Livrez vos membres comme esclaves à la justice" (Romains 6:19). "Que chacun de vous sache posséder son corps dans la sainteté" (1 Thessaloniciens 4:4). Elle parle donc à l'impératif, comme lorsqu'elle appelle à la repentance: "Repentez-vous", "Convertissez-vous", "Crois au Seigneur Jésus". Mais elle dit aussi: "Que le Dieu de paix vous sanctifie tout entiers... Celui qui vous a appelés est fidèle, et c'est lui qui le fera" (1 Thessaloniciens 5:23.24). "C'est Dieu qui produit en nous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir" (Philippiens 2:13). "Que le Dieu de paix vous rende capables de toute bonne oeuvre pour l'accomplissement de sa volonté et fasse en vous ce qui lui est agréable en Jésus-Christ" (Hébreux 13:21).
L'homme naturel est incapable de se sanctifier. Il aime le péché, fuit Dieu et rejette sa volonté. Pour y prendre plaisir et l'accomplir, il faut un coeur nouveau, celui que Dieu donne à l'homme quand il le convertit et le régénère. La sanctification n'est pas pour une moitié l'oeuvre de Dieu, et pour l'autre celle de l'homme, mais elle est l'oeuvre que le Seigneur accomplit dans la vie du croyant en recourant au coeur nouveau qu'il lui a donné. Ce coeur nouveau affectionne le bien et désire plaire à Dieu. Aussi ce dernier s'adresse-t-il à lui, fait-il appel à lui, le sollicite-t-il et donne-t-il en même temps au croyant les forces dont il a besoin pour vivre saintement. "Un homme ne peut recevoir que ce qui lui a été donné", disait Jésus (Jean 3:27). "Qu'as-tu que tu n'aies reçu?", demande Paul (1 Corinthiens 4:7). David, conscient de ses faiblesses, dit au Seigneur: "O Dieu, crée en moi un coeur pur et renouvelle en moi un esprit droit" (Psaume 51:12).
Dieu est donc ce qu'on appelle en théologie la cause efficiente de la sanctification. C'est lui qui fait marcher le croyant sur ce chemin béni, dans l'obéissance à ses commandements, qui lui en donne la volonté et les moyens. Et le croyant, régi par le Saint-Esprit, le laisse agir dans son coeur et consent à vivre chrétiennement. Voilà pourquoi la Bible dit les deux: "Dieu vous sanctifie" et: "Sanctifiez-vous!" Elle parle aussi bien à l'indicatif qu'à l'impératif.
Pour sanctifier le croyant, le Seigneur utilise les mêmes moyens que ceux qu'il met en oeuvre pour l'appeler, le convertir et le justifier: l'Evangile dans la Parole et les sacrements. Seul l'Evangile qui libère l'homme de la crainte que lui inspire le péché en lui apportant la certitude de l'amour de Dieu et du pardon, lui fait aimer le Seigneur et sa volonté. L'Evangile et lui seul est source de sanctification. Il n'y contraint pas, mais y exhorte et y encourage. C'est "par les compassions de Dieu" que l'apôtre exhorte les croyants à offrir leurs corps "comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu" (Romains 12:1). Ailleurs il leur rappelle, en les exhortant à une vie sainte, qu'ils sont les "élus de Dieu, saints et bien-aimés" (Colossiens 3:12), "enfants bien-aimés" (Ephésiens 5:1), des enfants nouveau-nés qui ont "goûté que le Seigneur est bon" (1 Pierre 2:2). L'apôtre Pierre, appelant ses lecteurs à l'obéissance, leur rappelle qu'ils ont été rachetés par le sang précieux du Christ comme d'un agneau sans défaut et sans tache" (1 Pierre 1:18). Cf. encore Romains 6:2-4.11.14; Colossiens 3:1.5; Tite 2:11.12; 3:8; 1 Jean 4:11.19.
La Loi de Dieu est là pour baliser un chemin, pour dire à l'homme comment il doit vivre pour plaire à son Seigneur. Mais toute motivation à la sanctification vient de l'Evangile, de l'annonce de la grâce de Dieu en Jésus-Christ, du rappel de sa volonté, de sa fidélité et de ses promesses. Pousser le chrétien à la sainteté en exerçant sur lui une pression ou en le menaçant des foudres de la Loi, c'est le contraindre à une soumission servile et non à l'obéissance filiale, à la sanctification chrétienne. Cela ne saurait lui plaire et c'est, par ailleurs, agir de façon légaliste.
Les oeuvres ne sont pas nécessaires au salut. Nous ne dirons pas pour autant qu'elles sont facultatives, que le croyant est libre d'en faire ou non. Nous allons jusqu'à dire qu'elles sont nécessaires en ce sens qu'elles sont les fruits indispensables de la foi et qu'elles rendent gloire à Dieu. Jésus dit aux siens: "Que votre lumière luise devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux" (Matthieu 5:16). Paul déclare: "Nous sommes son ouvrage, ayant été créés en Jésus-Christ pour de bonnes oeuvres que Dieu a préparées d'avance, afin que nous les pratiquions" (Ephésiens 2:10). Il est demandé aux riches, mais cela s'applique à tous les croyants, d'être "riches en bonnes oeuvres" (1 Timothée 6:18).
Une oeuvre est bonne aux yeux de Dieu, quand elle est conforme à sa volonté révélée dans la Loi et qu'elle procède du bon motif, de l'amour de Dieu et du désir sincère de le servir. Voilà pourquoi tous ces textes s'adressent aux chrétiens. Quand la Bible, au contraire, parle des incroyants, elle ne leur demande pas de faire de bonnes oeuvres, mais de se repentir, ce qui n'est pas du tout la même chose. C'est dire que seul les croyants peuvent accomplir des oeuvres agréables à Dieu. Nous ne nions pas la justice civile, c'est-à-dire l'aptitude que possède chaque homme à vivre en bon citoyen, à être un bon mari et père de famille et à faire preuve d'honnêteté, de bonté et de générosité. Tout cela est possible et c'est important, mais ce n'est pas en agissant ainsi que l'homme accomplit réellement la Loi de Dieu et travaille à son salut. Il faut pour cela une justice beaucoup plus grande, une justice intérieure, à la fois du coeur et des actes, et une justice sans failles. Et de cela, l'homme n'est pas capable. Voilà pourquoi il est dit que "tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu" (Romains 3:23) et que personne ne sera justifié par les oeuvres de la Loi (Galates 2:16).
Le chrétien n'aime pas Dieu pour que Dieu l'aime en retour, mais parce que Dieu l'a aimé jusqu'au sacrifice de son Fils. "Cet amour consiste non en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu'il nous a aimés et a envoyé son Fils comme victime expiatoire pour nos péchés. Bien-aimés, si Dieu nous a tant aimés, nous devons nous aussi nous aimer les uns les autres" (1 Jean 4:10.11). L'apôtre dit encore: "Vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit qui appartiennent à Dieu" (1 Corinthiens 6:20). Un homme qui se dit chrétien et qui ne fait pas de bonnes oeuvres et ne porte pas les fruits de la foi, est un imposteur qui peut tromper ses semblables, mais pas le Seigneur.
Ces oeuvres, nous l'avons dit, sont nécessaires, non pour l'obtention du salut, mais parce que Dieu le dit et qu'elles sont les témoins d'une foi véritable qui lui rend hommage et gloire: "Ce que Dieu veut, c'est votre sanctification" (1 Thessaloniciens 4:3). "Celui qui demeure en moi, dit Jésus, porte beaucoup de fruit, car sans moi vous ne pouvez rien faire... Si vous portez beaucoup de fruit, c'est ainsi que mon Père sera glorifié et que vous serez mes disciples" (Jean 15:5.8; cf. encore Actes 5:29; Romains 13:15). Cela signifie inversement que celui qui ne porte pas de fruit montre par là qu'il ne demeure pas en Christ et ne lui appartient pas. Les chrétiens sont par la foi unis à leur Sauveur. Son Esprit agit en eux. En marchant devant le Seigneur et en faisant de bon coeur sa volonté, ils savent qu'ils lui plaisent et que sa bénédiction reposera sur eux. Leurs bonnes oeuvres sont aussi, malgré toute leur imperfection, les gages de leur foi et de leur appartenance au Seigneur: "Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous et son amour est parfait en nous. Nous connaissons que nous demeurons en lui et qu'il demeure en nous en ce qu'il nous a donné de son Esprit" (1 Jean 4:12.13; cf. encore 2 Pierre 1:5-7.10; 1 Jean 3:19.24; 5:;2).
L'Eglise luthérienne enseigne aussi que la sanctification du chrétien est imparfaite dans ce monde, qu'elle ne sera parfaite que lorsqu'ils auront définitivement vaincu le péché et la mort et accédé à la vie éternelle. C'est la raison pour laquelle l'Ecriture ne cesse de les exhorter à croître "à tous égards" (Ephésiens 4:15), à être "fermes et inébranlables" (1 Corinthiens 15:58), à "porter des fruits en toute sorte de bonnes oeuvres et en croissant dans la connaissance de Dieu" (Colossiens 1:10). L'apôtre, écrivant aux Thessaloniciens, souhaite que "le Seigneur augmente de plus en plus parmi vous et à l'égard de tous cette charité" (1 Thessaloniciens 3:12), qu'ils marchent "de progrès en progrès" (1 Thessaloniciens 4:1). Il veut aussi que l'amour des Philippiens "augmente de plus en plus en connaissance et en pleine intelligence pour le discernement des choses les meilleures" (Philippiens 1:10).
La Bible, comme nous l'avons vu, enseigne que la sanctification consiste dans un combat que le chrétien mène chaque jour contre le vieil homme qu'il s'agit de noyer dans une contrition et une repentance de tous les jours. Parlant de lui-même, Paul fait ce constat: "Ce qui est bon, je le sais, n'habite pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair. J'ai la volonté, mais non le pouvoir de faire le bien. Car je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas. Si je fais ce que je ne veux pas, ce n'est plus moi qui le fais, c'est le mal qui habite en moi" (Romains 7:18-20). Ailleurs il écrit: "La chair a des désirs contraires à ceux de l'esprit, et l'esprit en a de contraires à ceux de la chair. Ils sont opposés entre eux, afin que vous ne fassiez pas ce que vous voudriez" (Galates 5:17). Cf. encore Hébreux 12:1; Jacques 3:2; 1 Jean 1:8, ainsi que la 5° demande du Notre Père: "Pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés" (Matthieu 6:12; Luc 11:4).
C'est une doctrine fausse et très dangereuse que d'enseigner que le chrétien peut, à force de prières et de luttes, parvenir à un point où il triomphe entièrement et définitivement du mal et atteint un degré de sanctification parfaite. Elle fait naître le désespoir, obligeant tel chrétien souffrant de l'imperfection de sa sanctification à se demander s'il est un véritable enfant de Dieu, et incitant tel autre, fier de sa foi et de sa piété, à l'orgueil.
Enfin, Dieu a promis dans sa bonté de récompenser les oeuvres et les sacrifices de ses enfants. "Votre récompense sera grande dans les cieux", promit le Christ aux disciples qui allaient affronter des privations de toutes sortes et la haine du monde (Matthieu 5:12). "Tu as été fidèle en peu de choses; je te confierai beaucoup", est-il promis au chrétien fidèle (Matthieu 25:21). "Celui qui reçoit un prophète en qualité de prophète recevra une récompense de prophète, et celui qui reçoit un juste en qualité de juste recevra une récompense de juste. Et quiconque donnera seulement un verre d'eau froide à l'un de ces petits, parce qu'il est mon disciple, je vous le dis en vérité, il ne perdra point son récompense" (Matthieu 10:41.42). Au jour du jugement, le Fils de l'homme "rendra à chacun selon ses oeuvres" (Matthieu 16:27). Cf. encore Matthieu 6:4; 19:29; Luc 14:14; 1 Corinthiens 3:8; 2 Thessaloniciens 1:6.7.
Il ne peut s'agir bien sûr que d'une récompense de grâce, de quelque chose que le Seigneur ne doit pas aux siens, car ils n'ont pas de mérite. Mais dans sa bonté, il veut les encourager à la persévérance, surtout à l'heure de l'épreuve, de la tribulation et de la persécution. Le salut sera le même pour tous les croyants, mais selon la constance et la fidélité dont ils auront fait preuve et les sacrifices auxquels ils auront consenti, ils recevront une part plus ou moins grande de gloire. C'est ce qu'enseigne la doctrine biblique de la vie éternelle.
La prière:
La prière chrétienne est une des plus belles expressions de la foi. Elle en est la manifestation nécessaire et spontanée. Nécessaire, parce que le croyant ne peut pas ne pas prier comme la foi ne peut pas ne pas porter de fruits, et spontanée, parce qu'il le fait de lui-même. C'est pour lui un besoin. Prier, c'est parler à Dieu dans son coeur, lui exposer ses besoins et ceux des autres hommes, lui confier son chagrin, ses soucis et ses inquiétudes, attendre quelque chose de lui. Mais c'est aussi lui apporter l'hommage de son coeur, le louer et glorifier son nom. La prière est ainsi le baromètre de la foi. Il existe en effet différents types de prières. La prière est louange et adoration, quand le chrétien se remémore et célèbre tout ce que Dieu fait pour lui et les autres et qu'il l'en remercie. Il confesse ainsi sa toute-puissance, sa majesté, mais aussi sa bonté et sa miséricorde. Cf. Néhémie 9:5; Apocalypse 5:8-14; Ephésiens 1:3-14. La prière est demande, quand le chrétien expose à son Père céleste ses besoins, ceux de son corps et ceux de son âme, quand il le prie de le protéger ou de le garder en bonne santé, de le guérir, de lui accorder le pain de chaque jour, de faire régner la paix dans le monde, ou qu'il le supplie de lui pardonner les péchés, de le fortifier dans la foi, de le préserver de la tentation ou de lui donner paix et courage. Cf. le Notre Père. La prière chrétienne est intercession, quand elle concerne le bien-être, la santé ou le salut d'autrui, qu'il s'agisse d'une personne, d'un peuple ou du monde entier. C'est ainsi qu'Abraham intercéda pour Sodome (Genèse 18), que le Christ pria pour les siens (Jean 17) et pour ses bourreaux (Luc 23:34), et qu'il est demandé aux chrétiens de prier pour les autorités (1 Timothée 2:1 ss.), pour leurs frères et soeurs dans la foi (Ephésiens 6:18) ou pour leurs ennemis (Matthieu 5:44).
Le croyant se sait indigne d'adresser ses prières à Dieu. Il n'a de lui-même aucun droit à l'exaucement: "Voici, j'ai osé parler au Seigneur, moi qui ne suis que poussière et cendre", dit Abraham en intercédant pour Sodome (Genèse 18:27). Le Seigneur ne nous doit absolument rien et il n'est pas en soi évident qu'il ait le temps ou l'envie d'écouter les requêtes de millions d'hommes. Il ne se laisse pas non plus impressionner par un flot de paroles (Matthieu 6:7), comme il n'existe pas de technique pour lui arracher son exaucement. Le pécheur ne peut compter que sur sa miséricorde et sa grâce: "Ce n'est pas à cause de nos oeuvres de justice que nous te présentons nos supplications, c'est à cause de tes grandes compassions" (Daniel 9:18).
Mais le croyant sait aussi que le Seigneur attend ses prières, qu'il y prend plaisir et qu'il y répond avec amour. Il sait qu'il doit au Christ de pouvoir s'approcher du trône de Dieu. C'est donc en son nom qu'il l'invoque: "Tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai" (Jean 14:13.14). Il se fonde en priant sur les promesses de l'Evangile, sachant que le Seigneur est fidèle et tient parole.
Le lieu et l'heure de la prière comptent peu. En soi, aucun lieu n'est plus saint ou plus favorable à la prière qu'un autre (Jean 4:23.24). Il en est cependant qui peuvent, plus que d'autres, susciter le recueillement. D'autre part, la solitude est recommandée, à moins qu'il ne s'agisse de la prière publique du peuple de Dieu (Matthieu 6:6). Peu importe aussi les gestes accomplis pendant la prière. On peut invoquer Dieu debout, assis ou à genoux, la tête levée vers le ciel ou baissée vers le sol. La Bible indique plusieurs positions possibles (Marc 11:25; Actes 21:5). L'essentiel est toujours la sincérité, l'humilité et la confiance en Dieu (Jacques 1:6; Hébreux 11:6).
Dieu exauce les prières. En tout cas celles qui sont prononcées avec foi et dont l'exaucement nous est utile et salutaire. Mais il existe aussi des prières sans réponse. Il est des demandes que le Seigneur n'exauce pas, ce qui fait souffrir le chrétien, surtout quand il est dans l'épreuve ou qu'un être bien-aimé est dans la détresse. Pourquoi agit-il ainsi? Nous n'avons pas toujours de réponse à cette question. Cependant il arrive que le croyant prie sans discernement et demande à Dieu des choses insensées (cf. la prière de la mère des fils de Zébédée, Matthieu 20:20-23) ou qui tout simplement ne sont pas nécessaires ou utiles.
Il arrive aussi que Dieu retarde l'exaucement pour tester notre foi et nous apprendre la confiance et la patience. L'apôtre Paul n'a pas eu la réponse escomptée à sa prière, quand à plusieurs reprises il supplia Dieu d'éloigner l'"écharde" qu'il avait dans la chair, c'est-à-dire manifestement de le guérir d'une maladie, mais il reçut, au lieu de cela, une bénédiction spirituelle (2 Corinthiens 12:7 ss.). Dieu répond et donne toujours, et si nous ne recevons pas ce que nous demandons, nous recevons quelque chose de meilleur.
Mais nos questions restent souvent sans réponses. Il est des prières qui nous paraissent vitales et que le Seigneur n'exauce pas. Il appartient alors au croyant de confesser humblement que son Seigneur sait mieux que lui ce qu'il lui faut, et de tout remettre entre ses mains, sachant qu'il juge de tout à la lumière de l'éternité.
(Wilbert Kreiss, Docteur en Théologie luthérienne, La Petite Dogmatique, édition collection Kreiss. 2013).