LA DOCTRINE DU SALUT (Partie n°2)
2. LA VOCATION
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Dieu appelle les hommes au salut. Il les invite à se repentir de leurs péchés et à accepter d'un coeur croyant le pardon et le salut que Jésus-Christ a acquis sur la croix et qui sont offerts dans l'Evangile. Il est réconcilié avec le monde, mais le salut qui est là, disponible pour tous, demande à être approprié par la foi. Il faut que l'homme tende la main et se le laisse donner. Pour cela, il faut qu'il soit appelé, invité. Voilà pourquoi Dieu avait envoyé des prophètes, puis son Fils qui passa l'essentiel de son temps à prêcher l'Evangile, et enfin les apôtres.
Dieu ne cesse d'appeler les hommes, car il veut leur salut: "Les noces sont prêtes, mais les conviés n'étaient pas dignes. Allez donc dans les carrefours et appelez aux noces tous ceux que vous trouverez" (Matthieu 22:8.9). "Il y a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus" (Matthieu 22:14). Et Jésus pleura sur Jérusalem en disant: "Combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l'avez pas voulu" (Matthieu 23:37).
Quand la Bible dit que tous les hommes ou que beaucoup d'hommes sont appelés, elle songe à cette invitation qui s'adresse à tous. On appelle cela la vocation extérieure. Quand, par contre, elle dit des croyants qu'ils sont des appelés, elle applique le mot à des gens qui n'ont pas seulement été appelés extérieurement, qui n'ont pas seulement entendu l'Evangile, mais qui l'ont reçu avec foi, qui ont été convertis. On parle alors de vocation intérieure. C'est dans ce deuxième sens que l'apôtre Paul utilise le terme. Il écrit par exemple aux chrétiens de Rome: "Vous avez été appelés par Jésus-Christ..., tous ceux qui à Rome sont bien-aimés de Dieu, appelés à être saints" (Romains 1:6.7). "Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein" (Romains 8:28). "Dieu est fidèle, qui vous a appelés à la communion de son Fils... Considérez, frères, que parmi vous qui avez été appelés, il n'y a ni beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles" (1 Corinthiens 1:9.26).
La vocation est l'oeuvre commune aux trois personnes de la Trinité. Le Père appelle (1 Corinthiens 1:9; 2 Timothée 1:9; 1 Pierre 5:10), le Fils appelle (Matthieu 11:28; Luc 5:32; Romains 1:6) et le Saint-Esprit appelle, puisqu'il rend témoignage au Christ et à la vérité (Jean 15:26; Actes 5:31).
L'Eglise luthérienne insiste beaucoup sur le fait que l'appel au salut a lieu dans l'Evangile. C'est là et là seulement que Dieu dit aux hommes qu'il veut les sauver par la foi en Christ. La dernière parole du Christ à ses apôtres fut celle-ci: "Allez par tout le monde et prêchez la bonne nouvelle à toute la création. Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croira pas sera condamné" (Marc 16:15.16). "Il vous a appelés par notre Evangile, pour que nous possédions la gloire de notre Seigneur Jésus-Christ" (2 Thessaloniciens 2:14). Pierre dit à tous ceux qui avaient entendu sa prédication: "Repentez-vous et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour le pardon de vos péchés, et vous recevrez le don du Saint-Esprit" (Actes 2:38). Puis il est dit: "Ceux qui reçurent de bon coeur sa parole furent baptisés et, en ce jour-là, le nombre des disciples augmenta d'environ trois mille âmes" (Actes 2:41). Tout homme doit donc entendre l'Evangile pour être sauvé. Ce n'est pas dans les prières ou les exercices de piété qu'on découvre et trouve le salut, mais dans les promesses de l'Evangile. Voilà pourquoi il est indispensable qu'il soit prêché au monde et que l'Eglise fasse de la mission.
Qui est appelé? Quand Jésus dit: "Il y a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus" (Matthieu 22:14), il ne veut pas dire que tous ne sont pas appelés au salut, que certains hommes en sont exclus, mais que le nombre des appelés est beaucoup plus grand que celui des élus. L'ordre: "Allez, faites de toutes les nations des disciples" (Matthieu 28:19) montre que l'appel divin est universel. C'est ce qui ressort aussi très clairement de la parabole des noces: "Appelez aux noces tous ceux que vous trouverez. Ces serviteurs allèrent dans les chemins, rassemblèrent tous ceux qu'ils trouvèrent, méchants et bons, et la salle des noces fut pleine de convives" (Matthieu 22:19.20). Dieu "annonce maintenant à tous les hommes, en tous lieux, qu'ils aient à se repentir", dit l'apôtre Paul aux païens d'Athènes (Actes 17:30).
Dieu veut vraiment sauver tous les hommes. Il veut que "tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité" (1 Timothée 2:4). Il ne veut pas "qu'aucun périsse, mais que tous arrivent à la repentance" (2 Pierre 3:9). Aussi Jésus eut-il le coeur déchiré de constater que Jérusalem rejetait son Evangile. Il pleura sur la ville qui ne voulait pas se repentir et croire (Matthieu 23:37). Etienne fit de même, le jour de son procès (Actes 7:51).
Alors il reste une question à laquelle nous ne répondrons pas, parce que nous ne sommes pas en mesure de le faire: Pourquoi, si Dieu veut le salut de tous et y invite tous ceux qui entendent son Evangile, tous ne sont-ils pas sauvés? Des théologiens ont répondu qu'en fait, Dieu ne voulait pas sauver tous les hommes, mais que certains étaient prédestinés à la condamnation éternelle (cf. la doctrine de la prédestination). D'autres affirment que si tous ne sont pas sauvés, c'est parce qu'ils ne font pas le nécessaire pour cela. Du fait que l'homme peut résister à la grâce ils concluent qu'il peut aussi se préparer à elle et participer de façon active à sa conversion. Cela paraît logique, mais ce n'est pas biblique. L'homme peut tout faire pour sa perdition, et rien pour son salut. S'il est converti, il le doit à Dieu seul. Le mystère demeure donc.
3. LA CONVERSION
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"L'homme a été si profondément corrompu par la chute de nos premiers parents que, sous le rapport des choses spirituelles, relatives à la conversion et au salut, il est aveugle par nature et ne peut comprendre la Parole de Dieu quand elle est prêchée... Il est et reste ennemi de Dieu jusqu'à ce qu'il soit converti, rendu croyant, régénéré et renouvelé par la vertu du Saint-Esprit, au moyen de la Parole prêchée et écoutée, par pure grâce et sans aucune coopération de sa part... Dans la nature de l'homme, après la chute et avant la régénération, il ne subsiste pas même une étincelle des forces spirituelles grâce auxquelles il pourrait se préparer à recevoir la grâce de Dieu ou la saisir quand elle est offerte, ou être, de lui-même et par lui-même, apte à la recevoir et s'y disposer, ou contribuer à sa conversion soit en agissant spontanément et en opérant quelque chose en totalité, soit en y coopérant pour une moitié ou pour une part même minime" (Formule de Concorde, Solida Declaratio, Article II, 5.7).
Qu'est-ce que la conversion?
La conversion est l'acte par lequel le pécheur revient à Dieu. Il est délivré de son aveuglement spirituel, reconnaît et confesse ses fautes et accepte d'un coeur croyant le pardon que le Christ lui offre dans l'Evangile. Il devient ainsi enfant de Dieu et héritier de la vie éternelle. "Reviens, infidèle Israël... Revenez, enfants rebelles" disait Dieu à son peuple (Jérémie 3:12.14). Quand les apôtres prêchèrent à Antioche, "un grand nombre de personnes crurent et se convertirent au Seigneur, leur Dieu" (Actes 11:21). "Repentez-vous et convertissez-vous, pour que vos péchés soient effacés", dit Pierre à ses compatriotes (Actes 3:19).
Se convertir signifie littéralement faire demi-tour, se détourner des idoles ou du péché pour se tourner vers Dieu: "Nous vous exhortons à renoncer à ces choses vaines, pour vous tourner vers le Dieu vivant" (Actes 14:15). La description la plus complète de la conversion proposée par la Bible est sans doute celle-ci: "Je t'ai choisi du milieu de ce peuple et du milieu des païens, vers qui je t'envoie, afin que tu leur ouvres les yeux, pour qu'ils passent des ténèbres à la lumière et de la puissance de Satan à Dieu, pour qu'ils reçoivent par la foi en moi le pardon des péchés et l'héritage avec les sanctifiés" (Actes 26:18). Cf. encore Matthieu 21:32; Luc 1:16; 22:32; Actes 9:35; 15:3.19; 1 Thessaloniciens 1:9; 1 Pierre 2:25.
Se convertir signifie faire demi-tour, changer de direction, revenir là où on aurait toujours dû rester, auprès de Dieu, en communion avec lui. Quand un homme se convertit à Dieu, tout change dans sa vie. Il n'adore plus d'idoles, ne vit plus dans les péchés des païens, se détourne du mal, met sa confiance en Dieu, marche dans la crainte du Seigneur. Tout cela présuppose un changement intérieur radical. Quelque chose a fondamentalement changé dans son coeur. Intérieurement il s'est détourné du mal qu'il a en horreur, et n'a plus qu'un désir: servir Dieu. Ce changement intérieur qui prélude à la conversion s'appelle la repentance. On comprend pourquoi Jean-Baptiste, puis le Christ, et enfin les apôtres ne cessèrent d'appeler à la repentance (Matthieu 3:11; Marc 1:4; Matthieu 4:17; 11:20 ss.; 18:3; Marc 1:15; Luc 13:3.5). Sans elle, il n'y a pas de conversion. Rien ne change dans la vie d'un homme, si rien n'a changé dans son coeur. Dans la 1° de ses 95 thèses sur les indulgences, Luther dit que la repentance est un acte de tous les jours. Tous les jours, en effet, le croyant reconnaît ses péchés, se tourne vers Dieu, les lui confesse et s'efforce de marcher devant sa face dans la foi, l'amour et l'obéissance.
La Bible compare la conversion à une nouvelle naissance. C'est ce qu'on appelle la régénération. Chaque fois qu'un homme se convertit à Dieu, il naît de nouveau. Le changement qui s'opère en lui est si radical qu'on peut dire qu'il est devenu un nouvel homme. "Si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu" (Jean 3:3). "Vous avez été régénérés non par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, par la parole vivante et permanente de Dieu" (1 Pierre 1:23). Cf. encore Jean 1:12.13; Tite 3:5-7; 1 Jean 3:9.
Autre image, dont le sens est rigoureusement le même: la conversion est une résurrection spirituelle. Quand un pécheur se convertit, un homme ressuscite pour une vie nouvelle. "Dieu qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions morts par nos offenses, nous a rendus à la vie avec Christ. C'est par grâce que vous êtes sauvés. Il nous a ressuscités ensemble et nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes en Jésus-Christ" (Ephésiens 2:4). Par le baptême nous sommes "ressuscités en lui et avec lui" pour une vie nouvelle (Colossiens 2:12.13).
La conversion est aussi une illumination. Les ténèbres de l'ignorance cèdent la place à la lumière du salut. L'apôtre compare la conversion au jaillissement de la lumière dans la création du monde, quand il écrit: "Dieu qui a dit: La lumière brillera du sein des ténèbres! a fait briller la lumière dans nos coeurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu sur la face de Christ" (2 Corinthiens 4:6). Il demande à Dieu d'illuminer le coeur de ses lecteurs (Ephésiens 1:18), lui que Dieu a choisi pour ouvrir les yeux des païens et les faire passer des ténèbres à la lumière (Actes 26:18).
Comment a lieu la conversion?
Dieu convertit l'homme, parce qu'il est "riche en miséricorde", "à cause du grand amour" dont il l'aime (Ephésiens 2:4). Saul le blasphémateur et le persécuteur de l'Eglise a été converti parce que Dieu lui a fait "miséricorde" (1 Timothée 1:13.14.16) et "grâce" (Galates 1:15).
L'appel au salut et la conversion sont ainsi des effets de la grâce divine. Le Seigneur convertit les hommes, parce qu'il n'accepte pas l'idée qu'ils périssent éternellement. L'homme ne peut revenir au Seigneur que si le Seigneur le fait revenir à lui: "Fais-nous revenir vers toi, ô Eternel, et nous reviendrons" (Lamentations 5:21). La conversion est donc l'oeuvre de Dieu, un don de sa grâce. C'est ce qu'affirment toutes les images employées pour la décrire (nouvelle naissance, résurrection spirituelle, illumination). On appelle cela le monergisme divin. Dieu agit seul quand il fait venir les hommes à lui et naître la foi dans leurs coeurs. L'homme ne peut pas coopérer à sa conversion. Croire en Christ, c'est tendre la main. Même cela, il ne peut le faire de lui-même. Il faut que Dieu la lui fasse tendre, sinon il ne la tendra jamais.
Pour convertir les hommes, Dieu se sert d'un moyen ou d'un instrument, l'Evangile dans la Parole et les sacrements. "La foi vient de ce qu'on entend, et ce qu'on entend vient de la parole de Christ", dit l'Ecriture (Romains 10:17). Nous avons été régénérés "non par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, par la parole vivante et permanente de Dieu" (1 Pierre 1:23; Jacques 1:18). L'Evangile est une semence de vie: il fait jaillir la vie là où il n'y avait que mort spirituelle. La Bible a encore une autre façon, fort belle, de dire la même chose. Elle dit de Lydie, la marchande de pourpre: "Le Seigneur lui ouvrit le coeur, pour qu'elle soit attentive à ce que Paul disait" (Actes 16:14).
L'Evangile est moyen de salut, moyen par lequel Dieu offre le salut et donne aux hommes la grâce de le recevoir avec foi. C'est vrai de l'Evangile prêché, mais aussi de l'Evangile rendu visible dans les sacrements. Eux aussi sont des moyens par lesquels il offre le salut et fortifie dans la foi. C'est pourquoi le baptême, par exemple, est appelé "bain de la régénération" (Tite 3:5).
Quelques précisions:
La conversion est instantanée comme l'est une naissance ou une résurrection. Il faut parfois de longues années pour la préparer, mais le moment venu, elle se produit en un instant.
Tout en affirmant clairement que Dieu est l'auteur de la conversion, la Bible invite et appelle l'homme à se convertir, ce qui fait dire au prophète: "Fais-moi revenir, et je reviendrai, car tu es l'Eternel, mon Dieu" (Jérémie 33:18). "Fais-nous revenir vers toi, ô Eternel, et nous reviendrons" (Lamentations 5:21). Ce sont deux façons différentes et complémentaires de parler de la conversion. L'une souligne qu'elle est l'oeuvre de Dieu et l'autre rappelle qu'elle est une affaire qui engage l'homme personnellement.
La conversion est quelque chose d'instantané, mais en même temps de continu. C'est tous les jours que le chrétien se tourne, c'est-à-dire se convertit à Dieu. On appelle cela la conversion au sens large.
Enfin, la conversion peut se renouveler. Un homme régénéré par le Saint-Esprit peut à nouveau se détourner de Dieu, sombrer dans le péché et déchoir de la grâce. Mais il peut aussi, du moins tant qu'il n'est pas endurci, s'en repentir et revenir à Dieu. Il y a des gens qui "croient pour un certain temps et succombent au moment de la tentation", dit la parabole du semeur (Luc 8:13). Il y en a qui font "naufrage par rapport à la foi" (1 Timothée 1:19). Les prophètes n'ont fait qu'appeler à la repentance un peuple qui se détournait toujours de son Dieu (Ezéchiel 18:31.32; 31:11). Celui qui est "tombé" est appelé à se repentir (Apocalypse 2:5.16.21.22). Cependant il est impératif de rappeler qu'on ne joue pas avec la grâce. Personne n'a la certitude qu'il pourra se repentir après avoir renié son Dieu. A force de fermer son coeur à l'Evangile, on l'endurcit au point qu'une conversion peut devenir impossible. C'est ce qu'enseignent des textes comme Hébreux 6:4-8; 10:26.27. La grâce de Dieu est trop belle et trop précieuse pour qu'on puisse la mépriser impunément.
(Wilbert Kreiss, Docteur en Théologie luthérienne, La Petite Dogmatique, édition collection Kreiss. 2013).