Nous enseignons aussi qu'il ne doit y avoir qu'une sainte Eglise chrétienne et qu'elle subsistera éternellement. Elle est l'assemblée de tous les croyants parmi lesquels l’Évangile est prêché fidèlement et les saints sacrements administrés conformément à l’Évangile" (Confession d'Augsbourg, Article VI). "Dieu merci, un enfant de sept ans sait aujourd'hui ce qu'est l'Eglise: ce sont les saints croyants, "les brebis qui écoutent la voix de leur berger". Les enfants en effet prient ainsi: "Je crois une sainte Eglise chrétienne". Cette sainteté ne consiste pas dans les surplis, les tonsures, les chasubles, ni dans les cérémonies étrangères à l'Ecriture et d'invention humaine, mais dans la Parole de Dieu et la vraie foi" (Articles de Smalcalde, III, 12).
1. L'EGLISE
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Le concept d'Eglise:
Le mot "Eglise" qu'on a l'habitude d'écrire avec une minuscule quand il s'agit d'un bâtiment et avec une majuscule dans tous les autres cas, vient d'un terme grec qui signifie "assemblée". Dans la vie publique, à Athènes par exemple, l'Eglise était l'assemblée des citoyens réunis pour décider du sort de leur ville. Littéralement, le mot signifie "appelée". L'Eglise est, dans l'enseignement de la Bible, comme nous allons le voir, l'assemblée des croyants, le peuple de ceux que Dieu a appelés au salut par la prédication de l’Évangile et l'administration des sacrements. Le mot désigne tantôt l'assemblée locale réunie autour des moyens de grâce, tantôt le peuple de Dieu dans une région ou un pays donnés, et enfin l'Eglise universelle constituée de tous les croyants du monde.
Le mot est employé dans son sens local et désigne l'Eglise en un lieu donné, quand il est dit par exemple qu'il y eut "une grande persécution contre l'Eglise de Jérusalem" (Actes 8:1), qu'il y avait des prophètes dans "l'Eglise d'Antioche" (Actes 13:1), ou encore que Paul "fortifiait les Eglises" de la Syrie et de la Cilicie (Actes 15:41). Cf. encore Matthieu 18:17; Actes 5:1; 14:23; 16:15; 20:28; 12 Corinthiens 1:2; 16:19, etc.
Le terme désigne l'Eglise en une région ou une province donnée, quand il est dit par exemple que Saul "ravageait l'Eglise" (Actes 8:3), que "l'Eglise était en paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie" (Actes 9:31).
Il existe aussi ce qu'on appelle l'Eglise domestique, un groupe de chrétiens se réunissant autour des moyens de grâce dans une maison, au foyer d'un de ses membres: "Saluez l'Eglise qui est dans leur maison", écrit l'apôtre aux Romains (Romains 16:4). Aquilas et Priscille accueillaient l'Eglise dans leur maison (1 Corinthiens 16:19). Cf. encore Colossiens 4:15; Philémon 2.
Enfin, l'Eglise est l'ensemble des croyants du monde entier, auxquels il convient encore d'ajouter les croyants parvenus à la gloire et réunis autour du trône de Dieu. Parlant de son peuple tout entier, Jésus dit à Pierre: "Tu es Pierre, et sur cette pierre j'édifierai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle" (Matthieu 16:18). Les maris doivent aimer leurs femmes comme Christ "a aimé son Eglise et s'est livré lui-même pour elle" (Éphésiens 5:25). L'apôtre souffre pour le corps de Christ "qui est l'Eglise" (Colossiens 1:24).
Le Nouveau Testament utilise donc un seul terme pour désigner ce pour quoi nous en employons plusieurs. Il s'ensuit qu'il n'y a pas de différence fondamentale entre l'Eglise universelle et l'Eglise particulière. La seule différence réside dans l'extension géographique. L'Eglise locale est Eglise du Christ au même titre que l'Eglise universelle. Elle possède les mêmes titres et a droit aux mêmes bénédictions et aux mêmes privilèges.
Les titres de l'Eglise:
L'Eglise chrétienne possède de véritables titres de noblesse qui l'identifient comme le peuple que Dieu aime tendrement et avec fidélité, qu'il a racheté et appelé à la vie éternelle en Jésus-Christ. C'est vrai au sens local et universel.
L'Eglise est l'épouse du Christ: "Viens, je te montrerai l'Eglise, la femme de l'Agneau" (Apocalypse 21:9). "Maris, aimez vos femmes comme Christ a aimé son Eglise et s'est livré lui-même pour elle" (Éphésiens 5:25). Cf. aussi toutes les paraboles des noces ou du festin nuptial (Matthieu 22:1-14; Luc 14:16-24) et tous les textes bibliques identifiant les relations entre Dieu et son peuple au lien conjugal, à l'amour d'un mari pour sa femme, déclarant que le Seigneur reste fidèle à son peuple et assimilant toute infidélité de la part de son peuple à de l'adultère ou de la prostitution spirituelle (Ézéchiel 16:15 ss.; Osée 2:16 ss.).
L'Eglise est aussi le troupeau du Seigneur. Jésus, le bon Berger, dit: "Je connais mes brebis et elles me connaissent, comme le Père me connaît et comme je connais le Père, et je donne ma vie pour mes brebis" (Jean 10:14; cf. aussi Jean 10:16). Elle est encore la maison ou le temple de Dieu: "Nous sommes le temple du Dieu vivant, comme Dieu l'a dit: J'habiterai et je marcherai au milieu d'eux. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple" (2 Corinthiens 6:16). "En Jésus-Christ, tout l'édifice bien coordonné s'élève pour être un temple saint dans le Seigneur. En lui vous êtes aussi édifiés pour être une habitation de Dieu en esprit" (Éphésiens 2:21.22). Cf. encore 1 Timothée 3:15.
Elle est l'assemblée des enfants de Dieu. Jésus est chargé de "réunir dans un seul corps les enfants de Dieu dispersés" (Jean 11:51.52). En lui nous recevons l'adoption. Nous sommes "fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ" (Galates 3:26). Cf. encore Jean 1:12; Romains 8:16; Galates 4:4.5. L'Eglise est encore le Royaume de Dieu. Ou du Christ. Le "royaume du Fils de son amour" dans lequel nous avons été transplantés (Colossiens 1:13.14), ce Royaume dans lequel on entre en naissant de nouveau (Jean 3:3.5), qui "ne vient pas de manière à frapper les regards", car il est "au milieu" ou "au-dedans" de nous (Luc 17:20.21).
L'Eglise chrétienne est encore une assemblée de sacrificateurs royaux, de "sacrificateurs pour Dieu" (Apocalypse 1:6; 5:10). Pierre dit des chrétiens: "Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, afin que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière" (1 Pierre 2:9). La comparaison de textes tels que Éphésiens 2:21.22 et 1 Timothée 3:15 montre qu'un même titre appartient aussi bien à l'Eglise universelle qu'à l'Eglise locale. Celle-ci n'est qu'une fraction de celle-là.
Définition de l'Eglise:
Dans le sens strict du terme, le mot "Eglise" désigne l'assemblée des vrais croyants, des saints de Dieu, de tous les pécheurs que, dans le monde entier ou en un lieu donné, l’évangile a appelés au salut, convertis à Jésus-Christ, régénérés et sanctifiés pour qu'ils appartiennent au Seigneur et héritent de la vie éternelle. Il est dit dans les Actes des apôtres qu'en se convertissant, des gens étaient "ajoutés" à l'Eglise (Actes 2:38.41.47; 5:14, dans le texte original). L'apôtre Paul affirme que l'Eglise de Dieu est composée de saints (1 Corinthiens 1:1; 2 Corinthiens 1:1; Éphésiens 1:1; Philippiens 1:1; Colossiens 1:2). C'est donc par la foi qu'on entre dans l'Eglise chrétienne, qu'on devient membre du peuple de Dieu. C'est par elle en effet qu'on est brebis de Jésus-Christ (Jean 10:14.15.27), qu'on trouve le pardon auprès de lui, qu'on devient enfant de Dieu (Galates 3:26). L'Eglise chrétienne est le peuple pour lequel le Christ s'est livré à la mort, qu'il purifie et sanctifie. Le Baptême est le signe visible de l'entrée dans ce peuple (Actes 2:38.41; Galates 3:26.27). C'est par la foi qu'on est uni au Christ comme le sarment l'est au cep (Jean 15:1-8) ou le corps à son chef.
Les propriétés ou particularités de l'Eglise:
L'Eglise a un certain nombre de propriétés qui l'identifient comme le peuple de Dieu. C'est ainsi qu'elle est une, et cela malgré le spectacle de ses divisions: "J'ai encore d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie. Celles-là, il faut que je les amène. Elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul berger" (Jean 10:16). "Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous et parmi tous et en tous" (Éphésiens 4:4-6). Cf. encore Hébreux 12:22.23. Les divisions déchirent certes la chrétienté visible, mais pas le peuple de Dieu qui reste uni par la foi en son Sauveur.
L'Eglise chrétienne est aussi sainte. Ses membres ont été "lavés, sanctifiés, justifiés au nom du Seigneur Jésus-Christ" (1 Corinthiens 6:11). Ils sont "saints en Jésus-Christ" (Philippiens 1:1; Colossiens 1:2), sanctifiés en lui (1 Corinthiens 1:1.2; Éphésiens 5:25-27). Par la foi en Christ, ils ont obtenu le pardon et ont été placés sur un chemin sur lequel le Saint-Esprit agit dans leur coeur et leur vie et les fait marcher dans la sainteté et la justice.
L'Eglise est encore universelle. Catholique, au sens étymologique du terme. Elle ne connaît aucune frontière, historique, culturelle, politique, raciale, linguistique, sociale, ni même ecclésiastique. Tous ceux qui croient en Jésus et confessent son nom font partie du même peuple, quelles que soient leurs origines. Même dans l'ancienne alliance, les croyants ont été sauvés de la même façon, par la foi en Christ. C'est ce que montre l'exemple d'Abraham qui s'est réjoui de voir "le jour du Christ" (Jean 8:56), et ce qu'affirment les prophètes déclarant que "quiconque croit en lui reçoit par la foi en son nom le pardon des péchés" (Actes 10:43).
On dit aussi que l'Eglise est infaillible. Non pas dans le sens qu'a ce terme dans le dogme catholique, mais au sens étymologique du mot: elle ne tombera pas, mais subsistera toujours. "Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle", disait Jésus (Matthieu 16:18). On ne peut pas séduire les élus (Matthieu 24:24), car Dieu veille sur leur salut et personne ne peut les arracher de sa main ni de la main de son Fils (Jean 10:28.29).
L'Eglise est apostolique, car bâtie "sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre angulaire" (Éphésiens 2:20). C'est par la parole des apôtres que les hommes croient en Christ (Jean 17:20.21). C'est dans leur enseignement que l'Eglise persévère (Actes 2:42), et nul n'a le droit d'annoncer un autre Évangile que le leur (Galates 1:9).
L'Eglise est par ailleurs l'unique détentrice du salut. Il n'y a pas de salut en dehors d'elle. Cela, bien sûr, ne s'applique à aucune dénomination particulière, mais ne vaut que de l'Eglise chrétienne ou, si on préfère, invisible. Il faut faire partie du peuple de Dieu pour être sauvé, et on l'est partout où on se repent de ses péchés et croit de tout coeur en Jésus-Christ, à quelque Eglise visible qu'on appartienne. "Le Seigneur ajoutait chaque jour à l'Eglise ceux qui étaient sauvés" (Actes 2:47). Cela signifie inversement que tant qu'on ne croit pas en Christ et qu'on n'est pas devenu membre de l'Eglise chrétienne, on n'a pas la vie éternelle.
Enfin on distingue communément entre Eglise invisible et Eglise visible. Ce ne sont pas deux Eglises distinctes, mais il s'agit toujours de la seule et unique Eglise envisagée de façons différentes. Elle est en soi invisible, puisque c'est par la foi qu'on en devient membre. Le Seigneur est seul à connaître les siens (2 Timothée 2:19), et le Royaume de Dieu ne vient pas de manière à "frapper les regards", car il est parmi nous ou au milieu de nous (Luc 17:20.21). C'est pourquoi l'Eglise chrétienne est un article de foi: "Je crois la sainte Eglise chrétienne...".
Mais la foi ne reste jamais cachée. Elle se manifeste toujours par les oeuvres. D'autre part, c'est par sa Parole et les sacrements que Dieu assemble, édifie, sanctifie et sauve son peuple. L'Eglise se réunit autour des moyens de grâce et persévère "dans l'enseignement des apôtres, dans la fraction du pain, dans la communion fraternelle et dans les prières" (Actes 2:42). D'invisible, elle devient de la sorte visible. Bien que Dieu seul connaisse les siens, on sait où elle est. Partout où l’Évangile est prêché, où des gens sont baptisés et communient au corps et au sang du Christ, le Saint-Esprit est à l'oeuvre, appelle, édifie, sanctifie et sauve. La Parole de Dieu ne retourne jamais à lui sans effet, sans avoir exécuté sa volonté et accompli ses desseins (Isaïe 55:10.11). On appelle pour cela la Parole de Dieu et les sacrements les notes ou marques de l'Eglise.
Cela signifie aussi qu'il peut y avoir, parmi ceux qui se regroupent ainsi autour de l’Évangile et des sacrements, des hypocrites et des impénitents. Ils sont au milieu les chrétiens, l’œil humain ne les discerne pas (du moins aussi longtemps qu'ils dissimulent l'impiété de leur coeur), mais quoique mêlés aux enfants de Dieu et bien que leurs noms figurent dans les registres paroissiaux, ils ne font pas partie de son peuple. Cette précision est de la plus grande importance. L'appartenance à une paroisse est importante, certes, mais à elle seule elle ne sauve pas. Il faut pour cela être membre du peuple de Dieu.
On distingue encore entre Eglise orthodoxe et Eglise hétérodoxe. L'Eglise orthodoxe est par définition celle qui enseigne la Parole de Dieu dans toute sa pureté, sans s'en écarter en rien, et qui administre les sacrements conformément à l'institution du Seigneur. Les notes ou marques de l'Eglise y sont préservées pures. Inversement, on appelle Eglise hétérodoxe une Eglise qui erre dans un ou plusieurs points de la doctrine chrétienne, sans pour autant renverser le fondement même de la foi, auquel cas elle n'est plus Eglise, mais une secte. Il est du devoir des chrétiens et donc de l'Eglise de demeurer dans la Parole du Christ (Jean 8:31.32), de "tenir tous un même langage et de ne point avoir de divisions" parmi eux, mais d'être "parfaitement unis dans un même esprit et dans un même sentiment" (1 Corinthiens 1:10). L'apôtre Paul écrit aux chrétiens de Rome: "Je vous exhorte, frères, à prendre garde à ceux qui causent des divisions et des scandales au préjudice de l'enseignement que vous avez reçu. Éloignez-vous d'eux" (Romains 16:17). Il leur est demandé de ne pas "enseigner d'autres doctrines" ni de "s'attacher à des fables et des généalogies sans fin, qui produisent des discussions plutôt qu'elles n'avancent l'oeuvre de Dieu dans la foi" (1 Timothée 1:3.4). Aucun autre Évangile que celui des apôtres ne doit être proclamé dans l'Eglise (Galates 1:8.9), et si quelqu'un apporte une autre doctrine, il ne faut pas le recevoir dans sa maison, ne pas saluer en lui un frère dans la foi (2 Jean 10.11).
La Parole de Dieu et les sacrements sont le grand trésor confié à l'Eglise. Elle doit y veiller jalousement et le préserver de tout ce qui pourrait l'altérer et le dénaturer. Il lui est donc demandé de prêcher la vérité et en même temps de dénoncer toute erreur ou fausse doctrine. Au besoin, elle doit exclure les faux docteurs de son sein, s'ils ne se repentent pas de leurs erreurs, comme il lui est demandé non pas de ne n'avoir aucun contact avec les Eglises qui propagent de fausses doctrines, mais de ne pas avoir de communion avec elles. On appelle cela la communion ecclésiale ou encore communion de chaire et d'autel. Elle n'est possible que là où deux Eglises confessent la même doctrine et où leur pratique est conforme à cet enseignement.
Par contre, il n'est pas nécessaire qu'elles aient les mêmes usages ou cérémonies. La Confession d'Augsbourg dit à ce sujet:
"Pour que soit assurée l'unité véritable de l'Eglise chrétienne, il suffit d'un accord unanime dans la prédication de l’Évangile et l'administration des sacrements conformément à la Parole de Dieu. L'unité véritable de l'Eglise chrétienne n'exige pas qu'on observe partout des cérémonies uniformes instituées par les hommes, comme le dit saint Paul, Éphésiens 4: 'Un seul corps, un seul esprit, comme vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême'" (Article VII).
Toute communion ecclésiale en l'absence d'unité doctrinale est de l'unionisme ou de l’œcuménisme. Il est bon et nécessaire que l'Eglise luthérienne témoigne autour d'elle, qu'elle professe ses convictions et les fasse connaître. Pour cela, il faut côtoyer les autres Eglises et fréquenter, rencontrer ses représentants pour dialoguer avec eux et, si possible, découvrir ou réaliser l'unité doctrinale. Mais tant que celle-ci n'a pas été constatée, toute communion ecclésiale serait une compromission avec l'erreur, une façon de pactiser avec elle, de dire qu'en fin de compte les divergences doctrinales qui caractérisent la chrétienté ne sont pas si importantes que cela et qu'on peut légitimement les ignorer. Ce n'est pas ce qui s'appelle confesser la vérité.
Il existe différents types de gouvernement de l'Eglise. Tout d'abord le type épiscopalien selon lequel le Christ a confié le gouvernement de son Eglise aux apôtres dont les successeurs sont les évêques. Détenteurs du ministère, ceux-ci dirigent l'Eglise en la dotant des pasteurs, docteurs, évangélistes et missionnaires dont elle a besoin. Le peuple des fidèles n'a pas de responsabilité réelle en matière de doctrine, de discipline ou de gouvernement. C'est le système qui prévaut dans l'Eglise catholique, l'Eglise anglicane, les Eglises épiscopaliennes et certaines Eglises luthériennes. Dans l'Eglise catholique, ce système fonctionne sous la souveraineté du pape, qui est considéré comme le successeur de Pierre, le prince des apôtres et le vicaire du Christ. Entouré du collège des évêques, mais aussi indépendamment d'eux, il exerce une primauté dans l'Eglise et est doté du charisme de l'infaillibilité quand il s'exprime en chef de l'Eglise et promulgue un dogme ex cathedra.
Le système presbytérien confie l'autorité dans l'Eglise et son gouvernement au conseil des presbytres, composé du pasteur et des anciens. L'autorité de ce collège lui vient non de l'Eglise locale, mais du Christ lui-même. Enfin, le système congrégationaliste affirme l'autonomie de la paroisse et la participation de tous les fidèles à son gouvernement. L'assemblée synodale est conçue comme un simple corps consultatif qui ne peut rien imposer aux Eglises locales, si ce n'est la fidélité à l'enseignement et à la pratique reconnus scripturaires.
La doctrine des deux règnes:
Bien des Eglises luthériennes vivent sous un régime non laïc et entretiennent des liens étroits avec l'Etat (Allemagne, Scandinavie, Finlande et, en France, l'Alsace et une partie de la Lorraine). Cela signifie que l'Etat leur reconnaît le statut d'Eglise officielle. Dans ces pays, elle est un organisme public: ses bâtiments sont construits et entretenus et ses pasteurs salariés avec les deniers publics. C'est là une anomalie, une aberration de l'histoire de l'Eglise résultant de l'ancien principe selon lequel un pays adhérait d'office à la religion de son prince: "Cujus regio, ejus religio". Cette situation qu'on retrouve d'ailleurs encore dans d'autres Eglises n'est pas biblique et ne reflète pas ce qu'on appelle dans le luthéranisme la doctrine des deux règnes.
Aux termes de cette doctrine, Dieu exerce un double règne. Le règne de puissance en vertu duquel tout lui appartient, par lequel il gouverne l'univers tout entier et fait concourir toutes choses à l'accomplissement de son dessein (Psaume 46; 50:9-12; 102:25-27; Esaïe 44-47; Matthieu 28:18). C'est le règne dans lequel le Seigneur déverse sur ses créatures toutes ses bénédictions matérielles. Il fait se succéder les saisons, fait alterner la pluie et le beau temps, bénit et multiplie la semence répandue dans les champs pour qu'elle nourrisse hommes et animaux. Il donne aux hommes l'intelligence qui leur permet d'aller de découvertes en découvertes, toutes utiles et bénéfiques pour guérir les maladies, faciliter le travail des hommes et leur procurer de meilleurs conditions de vie. Il veut en particulier que règnent l'ordre, l'équité et la justice, que soient secourus les pauvres et les faibles, protégés ceux qui font le bien et châtiés les malfaiteurs. Luther appelait cela la main gauche de Dieu. Pour exercer, il a établi en particulier des magistrats et des gouvernements qui ont pour mission de prendre la défense de ceux qui s'acquittent fidèlement de leurs devoirs, de châtier les malfaiteurs et de veiller à la justice, l'équité, la paix, la liberté et les droits légitimes de chaque humain. C'est pourquoi il est nécessaire que "toute personne soit soumise aux autorités supérieures, car il n'y a point d'autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu. C'est pourquoi celui qui s'oppose à l'autorité résiste à l'ordre que Dieu a établi, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes" (Romains 13:1.2). Cf. encore Romains 13:3-7; 1 Timothée 2:2; 1 Pierre 2:13.14. Pour accomplir leurs tâches, les autorités édictent des lois et veillent à leur application. Dieu se sert d'elles, quel que soit le régime politique particulier dans le cadre duquel elles agissent, pour protéger l'homme dans sa vie, son honneur et ses biens. Elles n'ont de pouvoir que sur la personne physique des hommes et sur leur façon de se comporter dans la société.
Puis il existe cet autre règne que Dieu exerce par la prédication de l’Évangile. Règne intérieur caractérisé par la grâce, par lequel le Seigneur gagne les coeurs avec les promesses de son pardon et de son salut et vient habiter en eux. Puisque c'est l'Eglise chrétienne qui a été chargée de prêcher l’Évangile, c'est à travers elle qu'il l'exerce. Celle-ci assume donc sur les âmes et les consciences le pouvoir spirituel de Dieu. Par contre, l'Eglise n'a aucun pouvoir sur les corps. Et tandis que l'Etat gouverne par la loi naturelle inscrite dans les coeurs et promulguée dans les codes civil et pénal, l'Eglise gouverne par les promesses de l’Évangile et a pour seule mission d'instruire les hommes par la Parole de Dieu et de les inviter au salut par la foi en Jésus-Christ. Le Réformateur appelait cela la main droite de Dieu. L'Eglise luthérienne a toujours insisté sur le fait que ces deux règnes doivent être distingués avec soin. Toute ingérence de l'Etat dans les affaires de l'Eglise, et inversement, doit être proscrite comme contraire à la volonté du Seigneur.
(Wilbert Kreiss, Docteur en Théologie luthérienne, La Petite Dogmatique, édition collection Kreiss. 2013).