Il s'agit du dernier grand chapitre de la dogmatique, appelé encore eschatologie, d'un mot grec qui signifie précisément "choses dernières". C'est la doctrine qui concerne l'avenir de l'homme et du monde, non pas une sorte de science-fiction, de futurologie basée sur l'intuition de ce qui pourrait arriver un jour, mais un enseignement fondé sur la révélation divine dans la Bible.
Cette doctrine traduit une espérance très simple: la conviction que le Seigneur ressuscité et exalté, présent dans son Eglise et la bénissant par sa Parole et les sacrements, accomplira tout ce qu'il a prédit au sujet de la fin des temps et qu'en particulier il donnera aux siens part à sa victoire éternelle. Il sera question successivement de la mort, de l'état intermédiaire entre la mort et la résurrection, des signes de la fin des temps, de la résurrection des morts, de la fin du monde, du jugement, de la damnation et de la vie éternelles.
Rappelons, mais sans entrer dans les détails, la question ayant déjà été étudiée dans la doctrine de la l'homme, que celui-ci est constitué d'une âme et d'un corps, ou plutôt qu'il est âme et corps. La Bible n'oppose pas les deux concepts, comme le faisait la philosophie grecque et comme le font de nos jours les philosophies et religions orientales. Elle ne dit pas par exemple que l'âme est bonne, mais que le corps est mauvais parce qu'il est matière, qu'il constitue une sorte de prison pour l'âme qui ne sera vraiment heureuse que lorsqu'elle n'aura plus à s'incarner. L'homme a été tout entier créé bon, mais le péché l'a rendu tout entier mauvais. Il est corrompu dans son corps et dans son âme. Mais il a été aussi tout entier racheté et est appelé à un salut total. Le christianisme enseigne cette vérité unique en son genre, que tous les morts ressusciteront un jour. De cette certitude découle toute une attitude envers le corps. Le croyant ne se sent pas appelé à le mépriser ou le maltraiter, mais le perçoit et l'honore comme un don de Dieu, et même comme un membre du Christ (1 Corinthiens 6:15) et le temple du Saint-Esprit (1 Corinthiens 6:19).
1. LA MORT
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Qu'est-ce que la mort?
La mort est par définition absence de vie. Le terme a dans l'Ecriture Sainte divers sens qui correspondent aux différents sens du mot "vie". Dans un sens figuré, il désigne l'absence de vie spirituelle. La mort spirituelle est l'aliénation de l'homme, sa corruption naturelle, le fait qu'il est prisonnier de son péché et incapable de s'en délivrer. L'apôtre Paul écrit aux anciens païens qu'étaient les chrétiens d’Éphèse: "Vous étiez morts par vos offenses et par vos péchés... Nous qui étions morts par nos offenses, il nous a rendus à la vie avec Christ... Il nous a ressuscités ensemble et nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes, en Jésus-Christ" (Éphésiens 2:1.5.6). Les païens "ont l'intelligence obscurcie, sont étrangers à la vie de Dieu" (Éphésiens 4:18). Inversement, Jésus pouvait dire: "Celui qui écoute ma parole et qui croit à celui qui m'a envoyé, a la vie éternelle et ne vient point en jugement, mais il est passé de la mort à la vie" (Jean 5:24).
Au sens le plus ordinaire du terme, le mot "mort" désigne la mort naturelle et physique dont la Bible dit qu'elle est "le salaire du péché" (Romains 6:23). Elle est la séparation de l'âme et du corps. "Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l'âme, disait Jésus. Craignez plutôt celui qui peut faire périr le corps et l'âme dans la géhenne" (Matthieu 10:28). Nous n'avons pas à craindre les hommes, car s'il est vrai qu'ils peuvent nous tuer, ils n'ont pas de pouvoir sur notre âme. Quand l'homme meurt, "la poussière retourne à la terre, comme elle y était, et l'esprit retourne à Dieu qui l'a donné" (Ecclésiaste 12:9). La Bible dit d'un homme qui vit que "son âme est en lui" (Actes 20:10), d'un mourant qu'il rend l'âme ou l'esprit (Matthieu 27:50; Luc 23:46; Jean 19:30) ou que son âme lui est redemandée (Luc 12:20), et de quelqu'un qui ressuscite que son âme ou son esprit revient en lui (1 Rois 17:21.22; Luc 8:55). Il est vrai que dans beaucoup de textes, le mot traduit par "âme" pourrait tout aussi bien être rendu par "vie". Mais ce n'est pas le cas du mot "esprit".
L'épître aux Hébreux déclare que les esprits des justes sont "parvenus à la perfection" (Hébreux 12:23). C'est donc qu'ils survivent à leur mort. L'apôtre Paul exprime l'espérance des chrétiens en ces termes: "Nous sommes toujours pleins de confiance et nous savons qu'en demeurant dans ce corps nous demeurons loin du Seigneur... Nous aimons mieux quitter ce corps et demeurer auprès du Seigneur. C'est pour cela aussi que nous nous efforçons de lui être agréables, soit que nous demeurions dans ce corps, soit que nous le quittions" (2 Corinthiens 5:6.8.9). Pour Pierre, demeurer ici-bas, c'est vivre "dans cette tente" (2 Pierre 1:13), ce qui implique qu'en quittant le monde on sort de cette tente pour aller vivre ailleurs. La parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare affirme qu'en mourant, le premier alla dans un "lieu de tourments" et le second dans "le sein d'Abraham". L'un connut la souffrance et l'autre fut consolé (Luc 19:16-31). Cf. encore Luc 23:43; Actes 1:25; Apocalypse 6:9, etc.
Enfin, le mot "mort" désigne la condamnation éternelle. La Bible appelle cela la "seconde mort" (Apocalypse 2:11; 20:6.14).
Pourquoi l'homme meurt-il?
Il ne meurt pas parce qu'il est matière. En créant le monde, Dieu n'a pas créé la mort. Celle-ci vient d'ailleurs. On distingue en théologie entre les causes principales et les causes secondaires ou intermédiaires. Ces dernières sont visibles, elles tombent sous les sens. Ce sont les maladies, le vieillissement, les accidents et catastrophes de toutes sortes. Ces causes secondaires n'existeraient pas s'il n'y avait pas à la mort des causes principales. Il s'agit du péché et de la colère divine.
La mort est la conséquence du péché: "Le jour où tu en mangeras, tu mourras" (Genèse 2:17). "Par un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché la mort, et ainsi la mort s'est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché... Le péché a régné par la mort" (Romains 5:12.15.17.18). "Tous meurent an Adam" (1 Corinthiens 15:22). "L'aiguillon de la mort, c'est le péché, et la puissance du péché, c'est la loi" (1 Corinthiens 15:56). Cf. encore Psaume 90:7.8; Jacques 1:15.
Il est évident que le péché n'entraînerait pas la mort, si Dieu ne le réprouvait et ne le châtiait pas dans sa colère. "Le sol sera maudit à cause de toi", dit-il à Adam après la chute, lui annonçant en même temps qu'il retournerait à la poussière d'où il avait été tiré (Gen 3:17-19). Sa sainte Loi en effet le dénonce et le condamne et maudit celui qui l'a commis: "Nous sommes consumés par ta colère, et ta fureur nous épouvante. Tu mets devant toi nos iniquités, et à la lumière de ta face nos fautes cachées. Tous nos jours disparaissent par ton courroux", gémit Moïse en voyant les Israélites mourir dans le désert (Psaume 90:7.8). "La puissance du péché, c'est la loi", précise l'apôtre Paul (1 Corinthiens 15:56). Cf. encore Genèse 38:7; 1 Samuel 2:6.25; Psaume 90:3; Lamentations 3:37; Amos 3:6; Apocalypse 6:8; 16:7.
Enfin, Satan est "meurtrier dès le commencement" (Jean 8:44). Il est "l'accusateur de nos frères" qui veut les faire périr (Apocalypse 12:10). Il est celui qui a "la puissance de la mort" et que le Christ est venu anéantir (Hébreux 2:14). C'est la mort et la condamnation d'Adam et d’Ève qu'il voulait, lorsqu'il les tenta dans le jardin d'Eden. C'est la mort et la condamnation des croyants qu'il veut, quand il les tente au péché et à l'incrédulité et les accuse devant le trône de Dieu. Job en est un exemple éloquent.
La mort dans l'enseignement de l'Eglise:
La mission principale de l'Eglise est de prêcher l’Évangile de la grâce et du salut en Jésus-Christ, pour inciter les hommes à se convertir et à vivre à la gloire de Dieu et les préparer à la mort et au jugement. Il faut donc qu'elle parle de la mort, et pas seulement quand elle enterre ses membres. Il faut rappeler aux hommes qu'elle est le salaire du péché, qu'ils ne meurent pas parce qu'ils sont matière, mais parce que le jugement divin pèse sur eux. Il faut leur rappeler que la science a permis de prolonger la vie de l'homme, de reculer l'échéance, mais qu'elle ne délivre pas de la mort. Il est bon de souligner aussi que tous ne meurent pas de la même façon, qu'il est des morts cruelles et des morts douces, des morts sans combat et des agonies sans fin, des morts prévisibles et des morts subites. Dieu seul sait pourquoi un homme meurt de telle ou telle façon, et c'est lui qui dans sa sagesse réserve à chacun la mort qui est la sienne. Aussi n'est-il pas permis de se fonder sur la mort qui a été réservée à un homme pour porter un jugement sur ce qu'a été son existence. Ensuite, force est de constater que les chrétiens meurent comme les autres, et cela bien que la mort soit détruite et que la vie et l'immortalité soient là pour tous ceux qui croient en L’Évangile (2 Timothée 1:10). L'apôtre Paul s'exclame: "O mort, où est ta victoire? O mort, où est ton aiguillon? L'aiguillon de la mort, c'est le péché, et la puissance du péché, c'est la loi. Mais grâces soient rendues à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ" (1 Corinthiens 15:55-57). Il n'y a plus de colère divine ni de châtiment du péché pour le croyant. Dieu ne punit plus pour les péchés qu'il a pardonnés. Mais il a jugé bon de ne pas supprimer la mort au terme de la vie des croyants. C'est quelque chose dont ils ont encore besoin pour rester humbles devant leur Créateur et savoir d'où ils viennent et où le Seigneur les conduit en Jésus-Christ. Quels que soient son âge et sa santé, le croyant doit demander à Dieu la force et la sagesse de se préparer à cette issue, la grâce d'une mort chrétienne, confiante, paisible et douce. L’Évangile en effet offre une puissante consolation à l'heure de la mort, la certitude de la victoire et du salut éternel. C'est en lui que le croyant trouve le secours dont il a besoin à l'heure du dernier combat. La mort, qui est une invitation à l'humilité et à la confiance en Dieu, est enfin un avertissement contre la cupidité et l'attachement aux biens de ce monde. "Nous n'avons rien apporté dans le monde, et il est évident que nous n'en pouvons rien emporter. Si donc nous avons la nourriture et le vêtement, cela nous suffira" (1 Timothée 6:7.8).
(Wilbert Kreiss, Docteur en Théologie luthérienne, La Petite Dogmatique, édition collection Kreiss. 2013).