3. LES SIGNES DE LA FIN DES TEMPS
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Jésus-Christ est venu accomplir beaucoup de promesses faites aux croyants d'Israël, mais toutes ne le sont pas encore. Ils savaient en effet que le salut devait être annoncé aux païens qui entreraient dans le peuple de Dieu. Et surtout ils attendaient les nouveaux cieux et la nouvelle terre (Esaïe 11:6-9; 32:15; 35:1-7; 65:17; 66:22). L'eschatologie était en quelque sorte inaugurée avec la première venue du Christ. Elle ne sera achevée que lorsqu'il reviendra pour le jugement des vivants et des morts.
En effet, Jésus-Christ reviendra, à une date que personne ne connaît (Marc 13:32) et ne peut calculer (Actes 1:7), "comme un voleur dans la nuit" (1 Thessaloniciens 5:1). Il s'agit pour l'Eglise de veiller et de prier et d'être toujours prête pour son retour. Cependant il a donné aux siens des signes auxquels ils peuvent connaître que la fin est proche, et ces signes sont tels qu'elle peut survenir à tout moment.
Les principaux signes avant-coureurs de la fin des temps:
Ils sont de plusieurs sortes. Il s'agit tout d'abord de signes dans le domaine de la nature, "de guerres et de bruits de guerre" (Matthieu 24:6-8), de famines et d'épidémies (Ezéchiel 14:21), de tremblements de terre, d'ouragans et de tempêtes (Esaïe 29:6; Matthieu 24:7), d'étoiles qui tomberont du ciel (Matthieu 24:29.30). Mais, dit Jésus, "ce ne sera pas encore la fin... Tout cela ne sera que le commencement des douleurs" (Matthieu 24:6.8).
Puis il y a les signes d'ordre spirituel, l'immoralité (2 Timothée 3:1-5), l'impiété, les fausses doctrines et les hérésies (2 Timothée 4:3.4), l'apostasie et l'incrédulité générale. De faux christs et des esprits séducteurs viendront égarer les hommes (Matthieu 24:5.11.23-25; 1 Timothée 4:1.2). A ce sombre tableau il faut ajouter encore les persécutions dont souffriront les chrétiens (Matthieu 24:9; Apocalypse 20:7-9). Il n'y aura que peu de foi sur terre, quand le Fils de l'homme reviendra (Luc 18:8). Cependant Satan et le monde n'ont aucun pouvoir sur les élus (Matthieu 24:22.24), l'Eglise subsistera jusqu'à la fin des temps (Matthieu 16:18).
Enfin, la fin ne viendra que lorsque l’Évangile aura été prêché à toutes les nations: "Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée dans le monde entier pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin" (Matthieu 24:14). C'est que "le Seigneur ne tarde pas dans l'accomplissement de la promesse, comme quelques-uns le croient, mais il use de patience envers vous, ne voulant pas qu'aucun périsse, mais voulant que tous arrivent à la repentance" (2 Pierre 3:9). Il a des élus parmi toutes les nations, aux quatre extrémités de la terre, qui doivent être rassemblés et conduits dans son Eglise pour parvenir au salut. Et comme il a décidé de faire cela par la prédication de l’Évangile, il faut que ce dernier parvienne jusqu'aux confins du monde. Alors la fin pourra venir, mais pas avant.
La doctrine des millénaristes:
Le millénialisme, du mot "millénium" qui désigne un règne de mille ans, a connu plusieurs formes dans l'histoire des dogmes. Il existe le postmillénialisme, affirmant qu'avant le retour du Christ pour le jugement l'Eglise connaîtra une sorte d'âge d'or où le monde l'estimera et, reconnaissant la suprématie de son message, lui accordera ses faveurs, où les hommes écouteront avec ardeur l'Evangile et se convertiront en masse. Le prémillénialisme enseigne, au contraire, que Jésus reviendra avant le millénium et précisément pour l'instaurer, après quoi viendra le jugement. Enfin, l'amillénialisme est la doctrine qui professe qu'il n'y aura pas d'âge d'or avant la fin du monde et que, lorsque Jésus-Christ reviendra, ce sera non pas pour régner sur terre, mais pour juger les vivants et les morts. Cette dernière doctrine est celle de l'Eglise luthérienne.
C'est du prémillénialisme, appelé quelquefois simplement millénialisme, qu'il sera question ici. Il est parfois associé à une doctrine appelée dispensationalisme qui soutient que l'histoire du monde se subdivise en sept dispensations différentes: l'état d'innocence avant la chute, la conscience ou responsabilité morale après la chute, le gouvernement humain instauré après le déluge, l'économie de la promesse (Abraham), la Loi (Sinaï), l'Eglise et enfin le Royaume (millénium). Il enseigne que le temps de l'Eglise est une parenthèse non prévue dans le plan divin, que les Juifs ayant rejeté le Christ, l'Evangile est annoncé aux païens. Mais Israël reste le peuple élu. Aussi y aura-t-il à la fin des temps, après l'entrée des païens dans l'Eglise, une conversion massive des Juifs, puis, à une date que tout le monde ignore, quand tous les élus se seront convertis au Seigneur, Jésus apparaîtra pour ressusciter les croyants morts et enlever son Eglise pour la conduire au ciel. Cet enlèvement sera instantané. Puis viendra la grande tribulation de trois ans et demi qui aura pour agent la trinité diabolique, Satan, l'Antichrist et le Faux-Prophète. L'Antichrist fera régner à Jérusalem et ailleurs l'abomination de la désolation et instaurera une dictature politique, économique et religieuse. Il y aura de terribles persécutions. Après quoi les peuples se révolteront contre lui (bataille d'Harmaguédon à laquelle participeront toutes les nations de la terre). Puis le Christ reviendra visiblement sur les nuées du ciel et instaurera un règne millénaire de paix, de joie et de bonheur, où il n'y aura ni souffrance ni maladie ni mort. Pendant ce temps, Satan sera lié, puis relâché pour un dernier soubresaut. Il attaquera Jérusalem, mais sera foudroyé par le Seigneur. Enfin viendra la deuxième résurrection, celle des incroyants, suivie du jugement final.
L'Eglise luthérienne ne souscrit pas à une telle représentation de la fin des temps, car elle ne lui paraît pas biblique. Les raisons sont les suivantes: La Bible ne parle par d'un enlèvement de l'Eglise avant la fin du monde. D'autre part, elle présente le règne du Christ comme un règne invisible, spirituel, caché dans les coeurs, et non politique et terrestre. Ensuite, l'Ecriture ne promet aucun âge d'or à l'Eglise, mais ne parle que de tribulations et de souffrances. Elle oriente l'espérance des croyants non sur une période de bonheur sur terre, mais sur la délivrance finale et la félicité céleste. D'ailleurs il n'y aura qu'un retour du Christ à la fin des temps et il ne ressuscitera pas les croyants avant le millénium, c'est-à-dire plus de mille ans avant le jugement, mais "au dernier jour", comme il le dit lui-même avec insistance (Jean 6:39.40.54; 11:24). Enfin, affirmer avec les millénialistes que le temple de Jérusalem sera reconstruit et qu'on y apportera à nouveau des sacrifices à Dieu, c'est retomber dans l'ancienne alliance et ignorer que le Christ est venu accomplir tout ce qui, dans cette alliance, préfigurait son oeuvre. Pour toutes ces raisons et d'autres encore, l'Eglise luthérienne rejette le millénialisme.
Cette doctrine se fonde sur un certain nombre de textes prophétiques qui parlent d'une paix paradisiaque à la fin des temps, d'une époque où les armes de guerre seront transformées en outils agricoles, et où le loup paîtra en compagnie de l'agneau (Esaïe 2:2-4; 11:6-9; 65:17-25; Zacharie 8:20-23). Elle se fonde plus particulièrement sur Apocalypse 20:1-15 qui affirme que Satan sera lié et que les croyants reviendront à la vie et régneront avec Christ pendant mille ans. Après cela, aura lieu de jugement et les impies seront jetés dans l'étang de feu et connaîtront la deuxième mort.
Cette thèse appelle les remarques suivantes: Le texte en question ne dit en rien que le règne inauguré par le Christ avec les siens aura lieu sur terre. Il est évident d'autre part que le nombre 1000 a, comme la plupart des nombres de l'Apocalypse, une signification symbolique et désigne le temps de Dieu, c'est-à-dire l'éternité. Les croyants y entrent en fait dès leur conversion, puisqu'ils sont "passés de la mort à la vie" (Jean 5:24), qu'ils ont vaincu la mort dès maintenant, ont été "rendus à la vie avec Christ" et sont "ressuscités" avec lui par la foi (Ephésiens 2:5.6). Ils ont eu dès maintenant "part à la première résurrection" et "la seconde mort n'aura point de pouvoir sur eux" (Apocalypse 20:6). Quant à Satan, il est lié depuis longtemps, depuis que "le Fils de Dieu a paru afin de détruire les oeuvres du diable" (1 Jean 3:8), que "le prince de ce monde est jugé" (Jean 126:11), que Jésus "a dépouillé les dominations et les autorités et les a livrées publiquement en spectacle, en triomphant d'elles par la croix" (Colossiens 2:15).
Le millénialisme enseigne aussi le retour d'Israël en Palestine, pays qui est dit lui appartenir de droit divin jusqu'à la fin des temps, et la conversion massive des Juifs fondée sur ce que l'apôtre Paul enseigne dans l'épître aux Romains: "Une partie d'Israël est tombée dans l'endurcissement, jusqu'à ce que la totalité des païens soit entrée. Et ainsi tout Israël sera sauvé" (Romains 11:25-27). Le texte dit bien "ainsi", et non "alors". Il n'y aura pas de conversion des Juifs à la suite de celle des païens. "Tout Israël" sera sauvé, dit-on. Mais c'est oublier que l'apôtre vient aussi de dire que la "totalité des païens" entrera dans l'Eglise. Or il ne peut s'agir que de la totalité des élus parmi les païens, car la Bible n'enseigne pas le salut final de toute l'humanité. L'expression "tout Israël" ne peut donc, elle aussi, désigner que les élus en Israël et non la totalité ni même la grande majorité des Juifs. L'Eglise luthérienne enseigne que Dieu a des élus parmi tous les peuples, y compris Israël, et que tous ces élus seront appelés au salut et conduits par la foi en Christ dans la vie éternelle. Mais comme il y a, en Israël comme chez les païens, "beaucoup d'appelés, mais peu d'élus" (Matthieu 22:14), les Juifs seront à la fin des temps aussi rares à se convertir que les païens.
Le tableau que le Christ et les apôtres brossent de la fin des temps, de la situation dans laquelle se trouvera le monde et du sort que connaîtra l'Eglise chrétienne, nous oblige à affirmer que le millénialisme est un faux rêve et une illusion dangereuse, distillant une fausse espérance au lieu d'orienter les regards des croyants sur des joies qu'ils ne connaîtront que dans le ciel. Il méconnaît enfin le lien étroit entre l'ancienne et la nouvelle alliance.
(Wilbert Kreiss, Docteur en Théologie luthérienne, La Petite Dogmatique, édition collection Kreiss. 2013).