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mercredi 19 août 2020

LES CONTROVERSES AU SEIN DU LUTHÉRANISME LA FORMULE DE CONCORDE.

 1) Jean Agricola avait réagi dès 1527 contre la doctrine de la repentance de Melanchthon. Celui-ci, dans les directives données aux visitateurs, avait insisté sur la nécessité de prêcher la Loi. Agricola interprétait cela comme un reniement de la liberté évangélique. Dix ans plus tard, il se retourna contre Luther lui-même, affirmant que la repentance procède de la contemplation des souffrances et de la mort du Christ. C'est en prenant conscience de l'amour de Dieu que, selon lui, le coeur humain est renouvelé. La loi est pour la mairie ou la tribunal ! Luther répliqua par ses Disputations contre les Antinomiens et son traité Contre les Antinominens (1530), soutenant que la repentance commence par les "terrores conscientiae", tandis que seul, en effet, l'Evangile permet au croyant de se détourner du péché. Mais le chrétien, étant encore un pécheur, a toujours besoin du ministère de la Loi. La Loi condamne et châtie le péché, tandis que l'Evangile procure le pardon et la vie. Par la suïte, Andreas Poach, Andreas Musculus et Antoine Otto réveillèrent la controverse antinomiste qui ne trouva sa solution que dans la Formule de Concorde. Celle-ci distingue entre Loi et Evangile (Articles V et VI). La Loi, révélant la volonté de Dieu et le péché de l'homme, prépare celui-ci à recevoir l'Evangile et ses promesses de pardon et de salut. Au sens strict du mot, l'Evangile n'est pas « prédication de repentance » (concio poenitentiae), mais la seule annonce de la grâce et du pardon en Christ. La repentance permanente du chrétien procède de la Loi et de l'Evangile. Le chapitre sur le « troisième usage de la Loi » (tertius usus legis) est tout à fait dans la ligne 107 "principaliter societas fidei et Spiritus Sancti in cordibus, quae tamen habet externas notas, ut agnosci possit" (§ 7, 5). 70 de Luther. S'ils étaient parfaitement renouvelés et sanctifiés, les chrétiens n'auraient pas besoin de la Loi. Mais du fait qu'ils ont encore le vieil homme en eux, ils doivent être constamment exhortés, mis en garde, voire réprimandés. C'est le ministère de la Loi, qui leur montre comment vivre pour plaire à Dieu. Par contre, la volonté de vivre dans la repentance et de mener une existence chrétienne à la gloire de Dieu procède de l'Evangile. 

2) Andreas Osiander fut à l'origine d'une controverse sur la doctrine de la justification, dans sa confession De l'unique Médiateur Jésus-Christ et de la justification par la foi (1551). Melanchthon, à la suite de Luther, avait fait une distinction nette entre justification et sanctification « Quand Dieu pardonne les péchés, il nous accorde en même temps le Saint-Esprit qui donne des forces nouvelles aux fidèles » 108. « La grâce est le pardon des péchés, la miséricorde promise au nom du Christ ou une acceptation gratuite, qui est nécessairement liée au don du Saint-Esprit »109 . Osiander voyait dans la doctrine de l'imputation de la justice du Christ une extériorisation de l'oeuvre salvifique de Dieu. La justification du chrétien se fondait, selon lui, sur l'oeuvre rédemptrice du Christ. Mais dans la Parole et les sacrements, le Christ vient auprès des croyants et pénètre en eux. Il vient habiter en eux, et c'est ainsi qu'ils deviennent participants de sa justice. L'article III de la Formule de Concorde s'élève contre une telle conception qui porte atteinte à la certitude du salut. Ce n'est pas seulement en tant que Dieu, mais comme Dieu-homme que Jésus est notre justice. Justifier veut dire « déclarer juste à cause de la justice du Christ que Dieu impute à la foi » (justum pronuntiare, propter justitiam Christ quae a Deo fidei imputatur, III, § 17). C'est pourquoi la justification est à distinguer de la rénovation ou sanctification (III, § 35) et ne peut donc être conçue comme le résultat de l'inhabitation du Christ dans le croyant. D'autres controverses, plus graves, opposèrent les disciples de Melanchthon, appelés les Philippistes, aux Gnésio-luthériens. En 1548, les Luthériens de Wittemberg avaient accepté sans protester l'Intérim de Leipzig que leur imposait l'Eglise Catholique. Cette acceptation impliquait des compromis dans la doctrine de la justification, exigeait l'obéissance au pape et aux évêques et réintroduisait les coutumes et rites catholiques associés au Baptême, à la confirmation, à l'extrême-onction et au Corpus Christi. Ce fut la controverse adiaphoriste qui opposa Maztthias Flacius et Nicolas Amsdorf à Jean Agricola et Philippe Melanchthon. Il s'agissait en particulier de déterminer si les rites et coutumes ecclésiastiques sont toujours et par principe des "adiaphora", c'est-à-dire des choses qui ne sont ni prescrites ni interdites, mais laissées à la liberté chrétienne. La Formule de Concorde trancha, en déclarant qu'« il n'y a pas d'aidaphoron quand il s'agit de confesser et qu'il y a scandale » (nihil est adiaphoron in casu confessionis et scandali). On ne peut surtout pas parler d'adiaphora quand il s'agit de rites qu'on veut imposer aux consciences comme nécessaires au salut. Melanchthon et les siens reconnurent leur erreur (X, 10). 4) La controverse synergiste avait des racines encore plus profondes. Dans la première édition de ses Loci Communes de 1521, Melanchthon avait rejeté le libre-arbitre en ces termes: « Je confesse que lorsqu'il s'agit de choses apparentes, il existe une certaine liberté. Par contre, je nie formellement que les sentiments intérieurs sont en notre pouvoir »110 . Mais dans la réédition de 1535, il énuméra les trois facteurs suivants du bien: la Parole de Dieu, l'Esprit et la volonté humaine qui ne résiste pas à Dieu. Enfin, dans la réédition de 1543, il affirme l'existence du "liberum arbitrium" qu'il conçoit comme l'aptitude à se préparer à la grâce (facultas se applicandi ad gratiam). La volonté avec l'aide du Saint-Esprit consent à la réception de la grâce, et la conversion a lieu quand la grâce précède et que la volonté l'accompagne (praecedente gratia, comitante voluntate). 108 "Cum Deus remittit peccata, simul donat nobis Spiritum SaÎlctum, qui novas virtutes in piis inchoat" (Melanchthon, Loci Communes, Loc. 3). 109 "Gratia est remissio peccatorum seu misericordia propter Christum promissa seu acceptatio gratuita, quam necessario commitatur donatio Spiritus Sancti". 110 "Fateor in externo rerum delectu esse quandam libertatem, internos vere affectus prorsus ne go in potestate nostra esse" (p. 74) . 71 Pfeffinger avait lui aussi soutenu dans ses Quaestiones de libertate voluntatis humanae de 1555 que l'homme ne se comportait pas de façon passive au moment de sa conversion, mais qu'il allait au-devant de la grâce. Amsdorf, puis Flacius et les théologiens de Jena protestèrent, rejetant tout synergisme dans la conversion. L'un des hommes de Jena, cependant, Victorin Strigel, prit fait et cause pour Melanchthon et les siens et soutint le caractère moral de la conversion. Dans la Disputatio de originis peccato et libero arbitrio inter Flac. et Strig., il soutint que « la Parole n'a pas de pouvoir magique et que cette régénération ou nouvelle naissance de l'homme n'a pas lieu sans quelque mouvement de la volonté » s" (1550). « L'oeuvre du Saint-Esprit n'exclut pas la volonté ». Le péché ne détruit pas, mais altère seulement le libre-arbitre. La conversion a donc lieu quand, soutenue par l'Esprit Saint, la volonté donne son assentiment à la Parole (assentitur Verbo). Flacius, au contraire, affirmait que pour convertir l'homme le Saint-Esprit devait vaincre sa volonté. La conversion concerne bien sûr la volonté, mais a lieu sans elle, car, et ce fut là l'erreur de Flacius, le péché originel est devenu la substance de l'homme. La Formule de Concorde mit fin à la dissension, en affirmant que l'homme est « entièrement corrompu et mort concernant le bien (ad bonum prorsus corruptus et mortuus, II, §

 7). II se comporte comme une pierre ou un tronc (lapis et truncus, (II, § 24), bien que Dieu ne le traite pas comme tel (II, § § 62). Il est rebelle et ennemi (rebellis et inimicus, II, § 17), de sorte que qu'il ne possède aucune ressource spirituelle lui permettant de se préparer à la grâce et de se convertir par ses propres forces (II, § 7). Par contre, chez celui qui est régénéré, converti et en qui habite le Saint-Esprit, il y a coopération entre Dieu et les forces qu'il lui a données (II, § 63.65). 5) La doctrine du libre-arbitre a aussi des répercussions sur le dogme de la prédestination. La Formule de Concorde tranche la question, en distinguant entre la prescience de Dieu et la prédestination au salut (Article XI). La première concerne aussi le mal, tandis que la seconde est cause réelle du salut. Mais c'est en Christ qu'il faut sonder le dessein éternel de Dieu. Il n'y a pas de contradiction entre la volonté cachée et la volonté révélée de Dieu (XI,§ 35). Quant à la vocation, elle est toujours sérieuse de la part de Dieu. Quiconque laisse le Saint-Esprit agir en lui par la foi peut se considérer comme élu (XI, 87 s), tandis que l'homme seul est responsable de sa perdition (XI, § 81). La prédestination au salut n'est pas un décret absolu, mais c'est par le Christ, par la foi en lui, par la justification et la persévérance que Dieu a prédestiné les élus au salut éternel.

 6) L'article IV veut répondre aux questions soulevées par la controverse majoriste. Melanchthon avait enseigné dans ses Loci de 1535 que les oeuvres sont « nécessaires à la vie éternelle, parce que la nouvelle obéissance doit nécessairement suivre la réconciliation » (necessaria ad vitam aeternam, quia nova obedientia sequi reconciliationem necessario debeat). Georg Major affirma la même chose au moment de 1'1nterim de Leipzig. Il précisait toutefois que ces fruits de la foi sont nécessaires pour conserver le salut et ne pas le perdre. De même Justus Menius. Ils cherchèrent par là à justifier leur acceptation de 1'1nterim, tout en refusant d'introduire les oeuvres dans la doctrine de la justification. Cependant, une telle position était inadmissible; même la conservation du salut ne peut dépendre que de la foi. Amsdorf, dans le feu de la controverse, alla jusqu'à prétendre que les oeuvres étaient nuisibles au salut, ce qui est tout aussi inadmissible. La Formule de Concorde mit fin à la controverse, en affirmant que Dieu demande au croyant de pratiquer les oeuvres qu'il a prescrites, que ces oeuvres ne procèdent que de la foi et que, malgré leur imperfection, Dieu les agrée à cause de cela (IV, 7 s). Elles sont nécessaires en tant que fruits de la foi, au nom de la « nécessité d'ordre, de mandat et de volonté du Christ et parce que tel est notre devoir » (necessitas ordinis, mandati et voluntatis Christi ac debiti nostri, IV, § 16), mais sont faites librement (IV, § 18) et sont indépendantes de la justification qui les précède (IV, § 22). La persévérance dans la grâce a lieu elle aussi par la foi seule qui est « le commencement, le milieu et la fin (initium, medium et finis) du salut (IV, § 34); mais la vraie foi n'est jamais 72 seule, elle produit toujours des oeuvres (§ 7). C'est dans la doctrine de la Sainte Cène qu'on s'opposa encore le plus. La Formule de Concorde rejette le calvinisme et le crypto-calvinisme melanchthonien. Melanchthon tourna lentement le dos à une doctrine de la présence réelle qui, à son avis, frôlait de trop l'impanation, l'affirmation que le corps du Christ est inclus dans le pain. Il remplaça l'affirmation que « le corps et le sang du Christ sont vraiment présents et distribués à ceux qui participent à la Sainte Cène » (quod corpus et sanguis Christi vere adsint et distribuantur vescentibus in Coena Domini) de la Confession d'Augsbourg de 1530 par la tournure: « avec le pain et le vin le corps et le sang du Christ sont montrés (exhibés) à ceux qui participent à la Sainte Cène » (quod cum pane et vino vere exhibeantur corpus et sanguis Christi vescentibus in Coena Domini" dans l'édition de 1540. C'est là une formulation dont Calvin reconnut explicitement qu'il pouvait l'accepter. Le Réformateur de Genève enseignait en effet que « par les symboles du pain et du vin le Christ est vraiment exhibé » (per symbola panis et vini Christum vere nobis exhiberi), doctrine que les Philippistes de Wittemberg cachaient sous une fomulation luthérienne111. La Formule de Concorde déclara donc que le corps et le sang du Christ sont « véritablement et substantiellement » (vere et substantialiter) présents et reçus par la manducation orale (manducatio oralis), y compris par ceux qui communient indignement, car la présence réelle ne dépend pas de la foi, mais des paroles d'institution et donc de la volonté du Christ. Cette présence n'est pas une « inclusion locale » (localis inclusio), mais une « union sacramentelle » (unio sacramentalis) fondée sur les paroles d'institution (VII, § 14). C'est pourquoi aussi elle n'implique pas une « union durable en dehors de l'administration du sacrement » (durabilis conjunctio extra usum sacramenti), car « il n'y a plus de sacrement une fois qu'il a été administré (nihil enim rationem sacramenti habere postest extra... usum a Christo institutum, VII, § 14. 108). On rejette aussi toute conception capernaïtique oui cannibale de la manducation (VII, § 64. 127). 8) Si la doctrine de la présence réelle ne se fonde pas sur la christologie, mais sur les paroles d'institution, elle n'est cependant pas incompatible avec la doctrine de la personne du Christ, de l'union hypostatique des deux natures et de la communion des idiomes. La Formule de Concorde s'en tient à la christologie de Luther et recherche un moyen terme entre les formulations de Brenz et celles de Chemnitz. Brenz, par opposition aux théologiens de Heidelberg, enseignait que dès l'instant de l'incarnation, la nature humaine du Christ participa à sa gloire et sa puissance divines. Jésus n'a pas renoncé à leur utilisation pendant son abaissement, mais s'est contenté de la cacher (en grec, "krupsis kata chrèsin"). Brenz a donc toujours professé une ubiquité ou omniprésence totale de la nature humaine du Christ. Chemnitz, au contraire, défend la multivoliprésence dans son traité De duabus naturis in Christo de 1571. Du fait que la nature humaine du Christ a été pénétrée par sa nature divine, elle agit dans, avec et par elle. C'est pourquoi l'humanité du Christ est présente où et quand il le veut. Mais pendant son exinanition, il n'a pas utilisé de façon pleine, visible et majestueuse la puissance de sa nature divine, parce qu'il n'a pas voulu le faire. Le Christ abaissé possédait la plénitude de la divinité, mais ne l'a pas toujours utilisée selon son humanité: « son utilisation et sa manifestation a été ajournée et comme suspendue » (usurpatio et manifestatio ejus ad tempus dilata et quasi suspensa est). Chemnitz enseignait donc lui aussi une communicatio idiomatum fondée sur l'union personnelle et remontant au moment de l'incarnation, mais faisait de l'abaissement ou exinanition du Christ un renoncement à l'utilisation pleine et majestueuse de la gloire divine communiquée à la nature humaine. La Formule de Concorde mit fin au le débat, en affirmant l'union hypostatique des deux natures et la communication des idiomes. La nature divine participe aux souffrances et à tout ce qui caractérise la nature humaine, et inversement la nature humaine a part à la puissance et à la gloire de la nature divine. Les attributs des deux natures ne sont pas pour autant 111 Cf. leur Exegesis perspicua et integra controversiae de Sacra Coena de 1574. 73 transformés; ils restent propriétés de leur nature respective, étant entendu toutefois que rien n'a été ajouté ou ôté (nihil... vel accessit, vel decessit) à l'essence et aux attributs de la nature divine (VIII, 49). L'abaissement concerne la nature humaine et non la nature divine. Il consiste en ce que la nature humaine du Christ posséda la gloire divine d'une façon secrète et cachée et ne l'utilisa qu'exceptionnellement. La Formule de Concorde cependant ne trancha pas d'une façon claire et nette entre la non-utilisation et l'utilisation cachée de la gloire divine, ni entre l'ubiquité totale et la multivoliprésence. La controverse rejaillit donc plus tard entre les théologiens de Tübingen, partisans d'une utilisation cachée de la gloire divine de la part de la nature humaine, et les théologiens de Giessen qui parlaient d'un renoncement réel à son utilisation

Source: https://www.egliselutherienne.org/wp-content/uploads/Bibliotheque/Precis-d-Histoire-des-Dogmes-Kreiss.pdf